La feuille
Quand Gérard Duchateau la vit, il comprit que sa recherche était terminée. L’agent immobilier commençait à débiter le discours vantant les qualités de la vieille bâtisse, mais il fut coupé dans son élan. Gérard dit – je la prends — il ne l’avait pas encore visité et pourtant il avait acquis la certitude que cette maison, plutôt cette ruine, était celle qu’il espérait trouver depuis plusieurs mois. Dès le début de ses recherches, il était fixé sur le plateau du Larzac. Cette région l’avait fasciné en raison de son âpreté et sa minéralité. Il espérait trouver dans le Causse le calme, la solitude qui lui manquait à Paris. Gérard Duchateau était à la tête de plusieurs entreprises, possédées par la famille depuis plusieurs générations. Sorti d’une grande école, il s’était investi dans la gestion du groupe, mais maintenant, après plusieurs années il était lassé de cette activité. Il souhaitait faire autre chose de sa vie. De toute façon, l’argent appelle l’argent et il s’était aperçu qu’il suffisait de nommer des gestionnaires compétents à la tête des entreprises pour que celles-ci fonctionnent sans son intervention. La vie mondaine qui était associée à son statut de manager ne l’amusait plus, ses enfants adultes volaient depuis longtemps de leurs propres ailes et se souciaient peu de lui. Quant à sa femme, elle vivait sa vie, le couple n’existant que pour l’entourage.
L’agence trop contente de se débarrasser de cette maison, en vente depuis fort longtemps, accéléra les démarches. Beaucoup auraient été désespérés par l’état du bâtiment, de nombreux travaux étant à prévoir pour en faire une maison habitable. Au contraire, Duchateau y vit un nouveau défi à relever. Bien sûr sa fortune pouvait lui permettre de faire appel sans problèmes aux artisans de la région, mais il comptait s’investir lui-même dans la réalisation des travaux.
C’est ainsi qu’au milieu d’un mois de mai Gérard vint s’installer dans « sa ruine ». Une bâche rapidement installée sur le toit en assura une relative étanchéité. Un lit de camp, du matériel de camping lui suffisaient pour mener une vie spartiate. Une jeep d’occasion lui permit d’aller chercher le ravitaillement, l’eau nécessaire à son quotidien ainsi que des outils et des matériaux. Après plusieurs années d’opulence et de confort bourgeois, il découvrait une vie nouvelle dans les Causses. Il oubliait les vicissitudes de la vie en société, le poids des informations diffusées par les médias, les guerres aux quatre coins du monde. Son seul objectif, maintenant, était de restaurer cette bâtisse. Il se régénérait par le travail manuel. À 300 m de sa propriété, sur une colline, se dressaient les ruines d’une forteresse médiévale. Gérard aimait gravir la pente et se promener dans les vieilles pierres. Il pouvait apercevoir la campagne environnante. Penser que des hommes avaient vécu entre ces murs le fascinait. Il avait appris que le château avait appartenu à un seigneur, le baron René Charles de la Motte Bezon.
Sa nouvelle vie s’écoulait tranquillement, partagée entre la restauration de la ruine, les courses en ville, les promenades dans les Causses. Il parcourait souvent le vieux château. Il ne restait que les pierres et les planchers, des pillards ayant depuis longtemps saccagé les pièces et emporté ou vendu tout ce qui pouvait servir. Les intempéries avaient rongé les murs partiellement effondrés, Gérard n’en avait cure. Cette forteresse l’ensorcelait. Il y retrouvait son âme d’enfant se plaisant à imaginer qu’il y avait sans doute encore un trésor caché. Il explorait systématiquement tous les endroits, à la recherche d’une cache oubliée par les pillards.
Au cours de l’une de ses explorations, marchant sur un plancher vermoulu, il le sentit craquer sous ses pieds. Le sol céda et il se retrouva deux mètres plus bas dans une cave. Un peu étourdi par sa chute, il se releva péniblement. Grâce à Dieu, il n’avait rien de cassé. Dans la pénombre il distingua une table et plusieurs chaises. Remis de ses émotions, il fut plutôt content de ce qui lui était arrivé. Cette chute lui avait permis de découvrir une nouvelle pièce dans le château. Ayant disposé une chaise sur la table il put, à la force des bras, se hisser à l’étage supérieur. Le lendemain muni d’une corde, d’une lampe et d’outils il revint pour explorer la pièce. Ayant longuement ausculté le sol et les murs il eut l’impression que l’une des pierres d’un mur sonnait le creux. À l’aide d’un pied-de-biche, il commença à la desceller. Au bout d’une heure, la pierre céda et il put la tirer hors de son logement. Elle dissimulait une cavité ! À l’aide d’une torche, il aperçut un coffre… Le cœur battant il l’emporta chez lui.
Le coffret semblait insignifiant. Vingt centimètres de long, dix de hauteur, autant de profondeur. En métal cuivré, sans aucune fioriture. Gérard posa le coffret devant lui sur une table et le regarda de plus près. Le cuivre, recouvert de vert de gris, était gondolé et rongé par endroits. Protégé de l’humidité par la poussière et l’étanchéité de la cavité, il avait résisté au temps. Il tenta de l’ouvrir, mais le couvercle était scellé par l’oxydation. Il eut la tentation de prendre un tournevis pour le forcer, mais la fragilité du métal l’en dissuada. Précautionneusement il aspergea le pourtour du couvercle d’huile dégrippante. Le liquide moussa et prit une teinte verdâtre. Il attendit plusieurs minutes.
Alors, il souleva le couvercle qui grinça faiblement. Le coffre semblait vide ! Puis il découvrit une unique feuille séchée. Il n’en avait jamais vu de pareille…
Ce qui le frappa d’emblée c’est que la feuille n’était pas symétrique. De forme allongée, dentelée, elle était inclinée avec une pointe effilée.
Avec le temps le vert avait viré au jaune verdâtre. Gérard la saisit délicatement, par la base, et la porta à son nez. Elle avait une odeur légèrement soufrée. Il pensa — peut-être a-t-elle été traitée pour en assurer la conservation ? – d’ailleurs, il était miraculeux de l’avoir retrouvée aussi intacte après une période sûrement très longue. Quand on connaît la fragilité des végétaux qui peuvent subir la dégradation de leurs cellules par l’humidité, les microorganismes, les moisissures, seule une atmosphère rigoureusement sèche ou un traitement approprié expliquait son état. Mais quel intérêt de conserver une feuille dans un coffre ? En général quand on ouvre un tel objet on s’attend à y trouver un livre ou un parchemin ancien, un bijou, des pièces d’or ou autre trésor.
Gérard dormait maintenant avec le coffret à côté de lui. Cette découverte avait bouleversé sa vie. Ce n’était pourtant qu’une feuille ! C’était inexplicable. Des pièces d’or enfermées dans l’objet l’auraient moins perturbé qu’elle. Il ne saurait dire pourquoi, mais il avait la sensation que cette feuille était plus qu’une simple feuille pour qu’on ait pris la peine de la conserver ainsi ! C’était plus fort que l’émotion que l’on ressent quand on découvre un trèfle à quatre feuilles ou une fleur séchée entre les pages d’un livre. L’histoire de cette feuille devait être plus ancienne. Malheureusement, il n’était pas féru en botanique. À la ville voisine, il acheta une flore et à l’aide de la méthode systématique expliquée dans l’ouvrage, il essaya de déterminer la nature de l’arbre ayant porté cette feuille. Aucune feuille ne correspondait à celle du coffret…
Gérard Duchateau alla trouver un vieux paysan qui habitait à plusieurs kilomètres de sa maison. Cet homme connaissait la région comme sa poche : sans aucun doute, il pourrait l’aider à identifier la feuille. Après avoir bu son coup de gnole et procédé aux palabres traditionnelles auxquelles on ne peut déroger dans le pays, Gérard sortit de sa besace la pochette de plastique qui protégeait la feuille. Le vieil homme l’examina soigneusement. Sa réaction fut catégorique : aucun arbre de la région n’avait porté une telle feuille !
Gérard Duchateau était dubitatif. Cette feuille provenait sans doute d’un arbre exotique… Cela la rendait encore plus mystérieuse : que faisait-elle dans un château du Moyen Âge ? Il eut une idée : un de ses camarades de promotion, quand il était en Math Sup, travaillait maintenant au Muséum d’histoire naturelle de Paris, il pourrait sans aucun doute le renseigner. Il photographia la feuille et l’envoya par message électronique. La réponse arriva une semaine après : la feuille n’appartenait à aucune espèce connue !
Ainsi Gérard se retrouvait au point de départ, ses recherches sur l’identification de la feuille, loin d’éclaircir son mystère, n’avaient fait que de l’épaissir.
Aussi décida-t-il de s’intéresser au château et à son ancien propriétaire. Il interrogea les gens de la région. Il apprit que le baron René Charles de la Motte Bezon avait été un compagnon du roi Saint-Louis et était mort aux Croisades. N’ayant qu’une fille, celle-ci avait épousé un comte de Provence, Charles II dit le boiteux. La forteresse fut peu à peu abandonnée, victime de guerres successives dans la région.
Il y avait de grandes chances que le coffret eût appartenu au baron. Pour essayer d’en savoir un peu plus sur la vie du seigneur, Gérard consulta les archives historiques de Montpellier. Il obtint des détails supplémentaires, mais aucun ne parlait d’un coffre. Le mystère restait entier. Il avait presque renoncé à poursuivre ses recherches quand un évènement changea le cours des choses.
Ayant décidé de visiter l’église de St Émile de Buege, édifice remarquablement conservé datant du 12e siècle il arriva au village et gravit une ruelle escarpée, car le sanctuaire était situé en haut d’une colline et dominait la cité. Il se souvenait encore d’un jeune homme aux bouclettes brunes en chemise à carreaux et en blue-jean délavé, adossé à côté de la porte d’entrée, gratouillant une guitare. Un marginal sans doute, la douceur du climat de la région en attirant beaucoup. Quand Gérard était passé à côté de lui, il lui avait souri et fait une révérence ! Leurs regards s’étaient croisés, Duchateau avait senti comme une lame de couteau lui traverser le cerveau. Perturbé par cette rencontre, il était rentré dans l’église déserte. Après s’être habitué à la demi-pénombre, il avait fait le tour de l’édifice regardant les vitraux et les toiles accrochées sur les murs. Devant l’une d’elle, il avait ressenti un choc. Elle représentait un diable devant un arbre, un chevalier agenouillé devant lui. Gérard s’était approché : les feuilles de l’arbre étaient identiques à celles du coffret ! Il sortit précipitamment de l’église, le marginal avait disparu… Redescendant la ruelle il interrogea une vieille assise devant sa porte. Oui elle connaissait cette toile. D’après les anciens, une légende racontait qu’un seigneur était devenu noble et riche en vendant son âme au diable. Une feuille aurait été le document scellant l’accord.
Cette découverte perturba Gérard Duchateau. Il n’osait plus ouvrir le coffret. Son esprit rationnel refusait de donner foi à la légende. Pourtant, il existe dans tout homme, même le plus matérialiste, une part d’irrationalité qui ne demande qu’à ressurgir. Il avait cessé de se rendre dans le château et se contentait de se promener dans les Causses.
Un jour qu’il était assis sur un rocher, il vit arriver un berger et ses moutons. Comme il est de tradition dans le pays, il le salua et lui proposa une gorgée de vin et un morceau de son casse-croûte.
L’homme un grand brun, jeune, au visage basané et anguleux, au corps aussi sec que la nature qui les entourait, s’assit à côté de lui et but une gorgée de vin puis s’essuya la bouche avec le dos de la main.
- Alors étranger, tu sais maintenant !
- Je sais quoi ?
- Pourquoi tu as acheté ta maison…
- Je ne comprends rien à que vous racontez !
- Ce château, où tu aimes aller, t’appartient en quelque sorte.
- ????
- Ah ! Tu n’avais pas compris !
- Le baron René Charles de la Motte Bezon est un de tes ancêtres.
- Ce n’est pas possible, nous n’avons pas le même nom et je ne suis pas noble !
- En effet, le baron n’eut qu’une fille et depuis, jusqu’à ta mère, la lignée qui te relie à ce seigneur ne comprend que des filles. Tu es le premier garçon…C’est donc toi qui dois payer la dette…
- Quelle dette ?
- La dette que le baron a contractée avec moi et qui lui a permis d’obtenir gloire et richesse. Cette richesse s’est transmise dans ta famille jusqu’à toi. Tu en as bien profité, je pense. Je viendrai donc chercher ton âme quand ton heure aura sonné.
- Mais pourquoi moi et pas mon ancêtre ?
- Parce qu’il m’a roulé ! Il est mort en terre sainte en tenant un morceau du linceul du Christ, avec lequel il est enterré. Je n’ai pu enfreindre la divine protection. Mais une dette est une dette, elle ne s’éteint pas. Un homme de la famille l’a contractée, un homme de la famille doit payer !
À ces mots, l’homme se leva, laissant Gérard abasourdi. Quand il reprit ses esprits, il courut derrière le berger qui avait disparu dans un virage du chemin. Quand il tourna à son tour, il n’y avait ni berger ni moutons.
Dès cet instant, la vie de Gérard Duchateau fut baignée par la peur. Les révélations du berger l’avaient ébranlé. Il fit appel à un généalogiste. Après plusieurs semaines de recherche, ses conclusions tombèrent, indubitables : Gérard était réellement un descendant du baron… Le titre de noblesse avait disparu avec la révolution, mais malgré les vicissitudes et les changements de régime, la richesse de la famille loin de diminuer s’était encore accrue avec l’ère industrielle et les progrès technologiques.
Gérard ne savait à qui se confier. Les amis ou sa famille l’auraient considéré comme fou s’il leur avait parlé de cette histoire de dette. Que pouvait-il faire ? Négocier avec le Diable ? Le Diable n’est pas un banquier ordinaire ! D’ailleurs, comment le rencontrer ? Il avait beau l’appeler, jamais il ne se manifesta.
Il essaya de détruire cette maudite feuille. L’ayant jeté dans une cheminée, il la retrouva intacte dans les cendres. Aussi brillante qu’avant, elle semblait le narguer ! Aucune lame ne parvenait à l’entamer. Elle était indestructible.
Il décida de liquider la cause de sa dette. Au grand dam de sa famille, il vendit ses entreprises et fit don de l’argent à des œuvres caritatives. Bien qu’il n’eût pas, jusqu’à là, une vie particulièrement dissolue, il décida que pour racheter son âme, il devait, dorénavant, mener une vie ascétique et pieuse. Il se retira dans le monastère de la Grande Chartreuse. Au désespoir du père supérieur, qui n’en exigeait pas tant, il s’imposait des contraintes plus pénibles que celles exigées par l’ordre. Quand il était tenté de s’arrêter, il ouvrait le coffret et regardait la feuille.
******
En ce jour de juillet 1214, le soleil était haut dans le ciel et la chaleur était oppressante. Malgré la fatigue qui commençait à les gagner, les hommes continuaient à couper le blé avec leurs faucilles. Ils savaient que si le champ n’était pas terminé ce soir, le métayer, représentant le seigneur du domaine, refuserait de les payer. Janou le bellou, comme on l’avait surnommé dans le pays, avait besoin absolument de cet argent. Les crampes gagnaient tout son corps, rageur il serrait les dents. Dans sa famille on était serf de père en fils. Janou était un révolté-né. Son père avait travaillé pour le seigneur toute sa vie et il était mort usé par le travail et la fatigue. Il ne voulait pas terminer de cette façon, il aspirait à autre chose. Mais que faire quand on est pauvre ?
Le soleil commençait à se coucher, les serfs finissaient de charger les gerbes dans les chariots. Janou s’assit en sueur au pied d’un arbre, sa faucille posée sur le sol. Une belle jeune fille vint s’asseoir à côté de lui. Il ne l’avait jamais vu…
- Bonjour Janou !
- On se connaît ?
- Toi non, mais moi je te connais…
- Qui es-tu ?
- Le Diable…
Janou se leva d’un bond et se signa.
- Pas de simagrées mon bon Janou !
Le jeune homme se rassit en hésitant.
- Mais le Diable est cornu, ses pieds sont fourchus et son corps est plein de poils !
- Me trouves-tu si laide ?
- Mais non… !
- Vois-tu ce sont les curés qui ont inventé ces images de diables. Tu vois le Diable peut-être beau et en plus il est gentil, je vais te le prouver.
- Comment ?
- En te faisant une proposition ! Es-tu content de ton état de serf ?
- Oh non !
- Eh bien! je te propose de devenir noble et riche !
- Que dois-je faire ?
- Tu vois cet arbre sur lequel tu es appuyé. Tu en cueilles une feuille. Elle sera le garant de l’accord que nous passerons aujourd’hui.
- Que me demandes-tu en échange ?
- Peu de choses, le jour de ta mort je viendrai chercher ton âme.
- Mais je serai damné !
- Eh alors ! Ta vie n’est-elle pas déjà un enfer ? Tu vas vieillir, le travail va user ton corps, la maladie va le ronger. Tu souffriras de la faim et de la servitude. Ce n’est plus Janou le bellou que l’on t’appellera c’est Janou la misère pour terminer très vite dans la décrépitude et aller peut-être au paradis. En es-tu sûr d’ailleurs ? Moi je t’offrirai la certitude d’une vie longue, agréable et exaltante. Tu as de la chance, par rapport à tes amis, tu peux choisir entre une vie de souffrances et une vie magnifique. En prime je t’offre avec moi une nuit d’amour comme tu n’en as jamais connu…
Janou regarda la jeune fille dans les yeux. Elle était diablement jolie ! Il hésita quelques instants… Non il ne terminerait pas comme son père ! Il arracha une des feuilles de l’arbre… La jeune fille éclata de rire et se pendit à son cou.
Les croisades avaient commencé, les seigneurs recrutaient des hommes dans les campagnes pour en faire des soldats. Janou partit en terre sainte et fut vite remarqué pour sa bravoure. Un comte en fit son bras droit, il fut sacré Chevalier et le roi Saint Louis lui accorda des terres. Il devint le baron René Charles de la Motte Bezon, immensément riche, le roi ne pouvant rien refuser à son fidèle compagnon.
****
De longues années passèrent ainsi. Frère Gérard à force de jeûnes et d’abstinences était devenu un homme maigre et décharné. Personne ne venait lui rendre visite. Sa famille ne lui avait pas pardonné d’avoir vendu tous ses biens. Ses amis l’avaient abandonné. Les seuls plaisirs qu’il s’autorisait étaient des promenades en montagne, autour du monastère. Il y marchait pieds nus, pensant ainsi racheter la satisfaction qu’il ressentait.
Un jour lors d’une promenade il vit le ciel se voiler. Le vent se leva et un orage débuta. Des éclairs zébrèrent l’horizon. Frère Gérard se hâta pour regagner le monastère. Un moment, il trébucha sur une pierre et se retrouva à genoux. Il leva les yeux et il le vit… Il reconnut immédiatement ses feuilles !
Une voix s’éleva derrière lui :
- L’instant est venu Gérard, je viens chercher mon dû !
Paniqué il se releva et tenta de s’enfuir. Un éclair plus puissant que les autres s’abattit sur lui. Il s’écroula foudroyé et lâcha le coffret qu’il portait toujours avec lui. Celui-ci roula sur le sol et s’ouvrit. La feuille s’en échappa. Elle commença à se consumer à côté du visage de frère Gérard : la dette était payée !
Gérard Duchateau ouvrit les yeux. Il lui fallut beaucoup de temps pour réaliser qu’il était dans une chambre d’hôpital. Un médecin et une infirmière étaient penchés sur lui. Il murmura presque indistinctement :
- Que fais-je ici ?
- Vous êtes à l’hôpital de Montpellier depuis quinze jours, dans le coma !
- Que m’est-il arrivé ?
- Un randonneur vous a trouvé dans les ruines d’un château, sous un plancher effondré. Vous avez eu vraiment de la chance, il aurait pu passer sans vous remarquer, seule la curiosité l’a incité à se pencher et à regarder dans le trou !
Gérard se mit à sourire béatement. Le médecin attribua ce sourire à la joie de son patient d’être encore en vie. Il ne pouvait pas imaginer bien sûr que c’était à son âme qu’il pensait !
Ainsi rasséréné, Gérard s’autorisa à rêver en grand à ses projets. Sa bâtisse deviendrait une fière demeure mais cet objectif ne lui suffisait plus. Il voulait faire connaître le patrimoine et la riche histoire de ce coin de Larzac qu’il aimait tant. Depuis sa chambre d’hôpital, il commença à prendre contact avec la municipalité qui se montra réceptive aux idées de Gérard. Il activa donc ses réseaux pour trouver des prestataires créatifs et réputés, capables de proposer des programmes de valorisation du patrimoine culturel, adossés à de solides plans de médiation culturelle orientés vers le grand public.
Gérard était heureux. Il réalisait la synthèse entre ses talents d’entrepreneur et sa passion désintéressée pour sa terre d’adoption. Il se sentait au septième ciel après avoir frôlé l’enfer ! Quel retournement de situation !
Le cœur joyeux, il passa la dernière visite de contrôle à l’hôpital puis il entreprit de préparer son sac. Il attrapa le sac poubelle bleu qui avait servi à transporter ses affaires le jour de l’accident et vida son contenu sur le lit. Au milieu de ses affaires, se trouvait une feuille un peu racornie, légèrement rougeoyante, à la forme étrange mais bien identifiable…
Merci pour cette histoire bien écrite et bien menée qui nous plonge dans l’Histoire. Cependant je reste sur ma “fin” : ce rêve est bien trop criant de vérité, le nom du Sieur Duchateau est bien trop de promesses pour une fin aussi prosaïque ! Tu nous avais embarqué dans un conte et j’ai la sensation de retomber brusquement au sol. Je m’attendais a minima à une fin en point d’interrogation, du style : l’infirmier apporte à Duchateau une feuille étrange qu’on aurait retrouvée dans sa poche…
“l’infirmier apporte à Duchateau une feuille étrange qu’on aurait retrouvée dans sa poche…”
Une sorte de conte où j’ai trouvé une belle écriture, une intrigue et un mystère suffisant, les détails qui conviennent, mais, encore cette fois, tu n’as pas résisté à faire finir ton personnage à l’hôpital. J’en ressors frustré mais avec le sourire, étrange, non ?
C’est vrai que beaucoup de mes récits se terminent dans un hôpital. Je devrais peut-être consulter un psy ? Mais c’est une profession que j’exècre . Il suffit que je m’interroge pour tenir une explication : j’ai fréquenté souvent extérieurement et intérieurement ce genre d’établissement.
En plus c’est une fin facile à mettre en jeu.
Les bonnes fins sont difficiles à trouver. En particulier dans les livres je suis souvent déçu, comme si les auteurs fatigués par leur rédaction bâclait la fin.
Quoi qu’il en soit avant que je poste une annonce sur “Le bon coin”, je suis preneur d’une autre fin pour “La feuille”.
Belle histoire, très bien contée, récit haletant, j’ai même cherché Saint Emile de Buège, je ne l’ai bien sûr pas trouvé mais il y a un ruisseau du nom de “La Buèges” près de la vallée de l’Hérault, donc pas si loin du Larzac. J’aime bien quand les récits s’approchent ainsi de la réalité pour mieux s’en échapper ensuite. Evidemment au fil de la lecture je m’interrogeais sur le dénouement. Comment l’ami Loki va-t-il s’en sortir ? Inventer des histoires extraordinaires nous conduit souvent à un mur haut et lisse qui empêche tout accès à une conclusion rationnelle à l’exception de celle du songe, de l’évasion de l’esprit, que tu as choisie. Pourquoi pas mais avec Line et Hermano je pense que le lecteur également “tombe” du rêve. Peut-être que certains récits méritent parfois que l’on envoie la rationalité au diable ?
Cher Monsieur Loki, je fais suite à votre annonce sur “Le Bon Coin”. Je vous propose donc une fin alternative pour votre récit “La Feuille”. J’espère qu’elle vous amusera.
Je vous prie d’agréer Monsieur mes salutations épistolaires.
Gérard se mit à sourire béatement. Le médecin attribua ce sourire à la joie de son patient d’être encore en vie. Il ne pouvait pas imaginer bien sûr que c’était à son âme qu’il pensait !
Ainsi rasséréné, Gérard s’autorisa à rêver en grand à ses projets. Sa bâtisse deviendrait une fière demeure mais cet objectif ne lui suffisait plus. Il voulait faire connaître le patrimoine et la riche histoire de ce coin de Larzac qu’il aimait tant. Depuis sa chambre d’hôpital, il commença à prendre contact avec la municipalité qui se montra réceptive aux idées de Gérard. Il activa donc ses réseaux pour trouver des prestataires créatifs et réputés, capables de proposer des programmes de valorisation du patrimoine culturel, adossés à de solides plans de médiation culturelle orientés vers le grand public.
Gérard était heureux. Il réalisait la synthèse entre ses talents d’entrepreneur et sa passion désintéressée pour sa terre d’adoption. Il se sentait au septième ciel après avoir frôlé l’enfer ! Quel retournement de situation !
Le cœur joyeux, il passa la dernière visite de contrôle à l’hôpital puis il entreprit de préparer son sac. Il attrapa le sac poubelle bleu qui avait servi à transporter ses affaires le jour de l’accident et vida son contenu sur le lit. Au milieu de ses affaires, se trouvait une feuille un peu racornie, légèrement rougeoyante, à la forme étrange mais bien identifiable…
Gente dame Line,
Monsieur Loki vous remercie infiniment pour votre contribution et va ajouter la fin que vous avez concoctée au récit publié sur le site !
Que la main de Dieu vous éloigne du malin.