Il était seul !
Dieu était seul dans le vide infini. Et dans ce vide il n’y avait « rien »… Ce n’est pas vrai d’ailleurs puisqu’il y avait Dieu et que Dieu est « tout ». Et le « tout » s’ennuyait infiniment. Ce qui n’est pas compréhensible pour nos pauvres cerveaux d’être humain. Quoi qu’il en soit, Dieu s’ennuyait.
Il était lassé du « rien ». Il faut reconnaître que le « rien » est bien monotone, surtout quand on est l’alpha et l’oméga de toute chose.
Il décida donc pour se distraire de créer l’Univers. C’est une occupation que seuls les Dieux peuvent se permettre. N’étant pas en concurrence avec d’autres dieux, il eut le mérite à s’engager seul dans cette création.
Il aurait pu créer un univers en une seule fois. Un univers infini bien sûr ! Un univers limité aurait été indigne d’un être infini comme Dieu. Comme Dieu avait besoin d’activité, il décida que « son » univers serait en mouvement. Comme cet univers allait remplacer ce « rien » si lassant, où rien de commence et rien de finit, il décida dans son infinie grandeur que « son » univers aurait un commencement. Il se laissait toute latitude pour décider si « son » univers aurait une fin…
Comme « son » univers provenait du « rien », il décida que l’univers commencerait par une particule infiniment petite. Il était assez content de lui. Passer de « rien » à « pas grand-chose » est satisfaisant. Surtout lorsque ce « pas grand-chose » contient en germe un univers infini.
Comme on l’a écrit, Dieu avait besoin d’action. Il concrétisa cette action par l’explosion de l’atome initial.
Une infinité de particules s’éloignèrent les unes des autres. Dieu n’avait rien laissé au hasard. Au fur et à mesure que ces particules s’éloignaient, elles s’agglutinèrent pour donner des particules plus grosses qui s’agglutinaient à leur tour.
C’est ainsi que Dieu put contempler son « jouet ». Avec ses galaxies en mouvement, ses étoiles dans les galaxies, ses planètes gravitant dans leur système solaire, l’univers lui semblait agréable à l’œil.
Mais Dieu est un perfectionniste. Bien que son univers soit en mouvement, il lui paraissait bien statique. Il décida donc de créer deux choses bien étranges : le bien et le mal. Mais comment l’intégrer dans « son » univers ? Une galaxie ne peut être bonne ou mauvaise, de même que tout autre corps céleste. Cela serait une absurdité. Il lui fallait donc créer une entité capable d’assumer ces deux notions. Comme il se doit d’un dieu, Dieu n’était pas à court d’idées. Avant de généraliser ses créations, l’être suprême étant aussi un expérimentateur hors pair décida d’essayer sa fantaisie en un point de son univers.
Pendant sa réflexion, l’univers n’avait pas cessé de progresser. Dieu repéra à l’intérieur d’une galaxie, dans un système solaire minuscule, une planète bleue elle aussi minuscule. Elle était parfaite : pour commencer une expérimentation, il ne faut pas être trop ambitieux. Il pourrait ainsi contrôler le processus et y mettre un terme si les choses se gâtaient. Cette planète bleue que nous nommerons la Terre fut son terrain d’expérimentation. Bien entendu, Dieu avait par avance une idée de « l’entité » sur laquelle il expérimenterait le bien et le mal. Mais il répugnait, bien qu’il en eût la possibilité, de créer in extenso « l’homme ». Parce qu’il craignait à juste titre que celui-ci se croie le centre de l’univers. L’avenir viendrait confirmer ses craintes. D’autre part, il voulait que l’évolution sur Terre soit une copie de la création de l’univers.
C’est donc pour cela que la vie sur terre débuta dans une poche de matières carbonées et d’eau qui sous l’action de champs magnétiques et électriques engendra les premières molécules d’ADN. Puis pendant des millions d’années la matière vivante se complexifia passant des êtres monocellulaires aux êtres polycellulaires, les plantes et les animaux pour arriver à l’objet d’expérimentation de Dieu : l’homme.
Dans les livres il est écrit que l’homme a été créé à l’image de Dieu, ce qui est parfaitement ridicule. Comment un être aussi négligeable pourrait-il être à l’image d’une immensité ?
Dieu avait doté l’homme d’un cerveau comme tous les animaux. Il lui avait fait en plus un cadeau inestimable : pouvoir marcher sur ses deux jambes. Et cerise sur le gâteau, ce cerveau qui s’était complexifié donnait à l’homme la conscience d’être lui même. Avec un mauvais côté : aussi, la conscience d’être mortel…
L’expérience pouvait commencer : dès que l’homme fut l’homme, il fut censé distinguer le bien du mal…
Ces deux notions n’avaient aucun sens dans l’univers, il en était de même sur terre : un lion mangeant une gazelle et le lierre étouffant un arbre ont-ils conscience du bien et du mal ? —
il peaufina son ouvrage en créant de nouvelles entités virtuelles. Tout d’abord une multitude de dieux auxquels les hommes pouvaient se référer : les honorer, leur faire des sacrifices, les implorer en cas de disette ou de calamités naturelles. Selon les civilisations, ces dieux étaient identifiés au soleil, à la lune, au feu, à l’eau, aux arbres, aux animaux, etc. D’autres peuplaient un environnement mythique. Tous permettaient aux hommes de se rendre, rassurés, dans cet au-delà final avec l’espoir d’y survivre.
Mais Dieu se rendit compte assez vite que cette multitude de dieux ne permettait pas aux hommes de prendre conscience clairement du bien et du mal. La main céleste balaya cette cohorte de divinités, pour implanter dans l’esprit des hommes l’existence d’un seul dieu. Il ne détesterait pas d’être honoré pour avoir créé l’univers. Il trouva amusant de leur laisser un peu d’autonomie. Ayant conscience que le bien et le mal étaient des notions un peu abstraites, il inventa en parallèle le paradis et l’enfer. Cela simplifierait les choses : l’homme qui ferait de bonnes actions irait au paradis, dans le cas contraire en enfer.
Content de lui, il observa ses créatures s’organiser. Selon les pays et les continents, les hommes créèrent différentes religions au lieu de vénérer le même dieu. Des intermédiaires apparurent sous des noms divers : Jésus, Mahomet, Moïse, Bouddha, etc. Dans certaines régions les hommes ne perdirent pas l’habitude d’honorer plusieurs dieux. Tous créèrent des temples pour vénérer leur dieu. À un être suprême unique ils substituèrent des idoles matérielles auxquelles ils prêtaient des pouvoirs divins. Ils rédigèrent des textes règlementant chacune des religions. Les uns interdisaient de manger du porc, les autres de consommer de la nourriture non bénite par un prêtre. Pour certaine religion, il fallait porter un chapeau dans le temple, pour d’autre se découvrir. Pour les unes l’homme n’accédait au paradis qu’après plusieurs réincarnations, pour d’autres, le passage pouvait être direct. Ils inventèrent une multitude d’êtres fabuleux pour conforter leurs croyances et les rendre plus attrayantes. Le « diable » était le maitre des enfers. Les anges, les saints accueillaient les défunts au paradis. À côté de ces régisseurs du bien et du mal, ils créèrent une foule d’êtres fabuleux bénéfiques ou maléfiques tels que les fées, les sorcières, les farfadets, les trolls, etc.
Dieu était un peu fâché par cette adoration, de créatures inventées ou sanctifiées, il aurait aimé que les hommes n’adorent que lui, mais il laissait faire… Après tout il avait donné une certaine autonomie aux hommes et donc il était normal qu’ils en usent.
Ce qui lui déplaisait c’étaient ces luttes fratricides entre les différentes religions, chacune d’elle croyait détenir la vérité et tuait les membres des autres religions pour imposer sa vérité.
Dieu, qui on l’a vu, détestait la monotonie avait donné aux hommes pourtant issus des mêmes ancêtres différentes couleurs. Il avait été très content de son idée, mais il avait vite déchanté quand il avait constaté que les hommes loin de profiter de cette diversité de peau y avaient trouvé prétexte pour se combattre entre eux. Comme si cela ne suffisait pas, ajouté aux carnations différentes, aux religions antagonistes, les hommes ne parlaient pas la même langue.
La déception de Dieu fut encore plus grande, quand il vit ce que les hommes faisaient de la petite planète bleue qu’il leur avait créée. Pourtant qu’elle était belle et harmonieuse cette planète avec ses continents au milieu d’immenses océans. Ses climats et ses températures propices au développement de la vie. Il avait donné à certains hommes des facultés intellectuelles leur permettant d’observer, de décrire, de comprendre la nature et l’environnement. De faire des découvertes qui permettaient à l’humanité de progresser en faisant le bonheur de chacun de ses membres. Ces hommes au fil des siècles avaient été souvent tués ou martyrisés par les religieux. Au nom du profit, de motifs guerriers les découvertes avaient été détournées pour tuer de plus en plus d’hommes et asservir la nature.
Et du haut de son immensité, Dieu voyait ce que les hommes avaient fait de cette belle planète terre… Il était déçu ! Il lui restait deux solutions : laisser les hommes détruire jusqu’au bout le cadeau qu’il leur avait fait ou mettre un terme à son expérimentation.
Il choisit la deuxième…
Tandis que l’univers continue de croitre, un astre infime a disparu dans un minuscule système solaire dans la Voie lactée.
Dieu se pose la question : dois-je renouveler l’expérience en un autre point de l’univers ? De toute façon il a un temps infini pour y réfléchir…
Décidément Dieu travaille beaucoup sur le site !
Comme toi, j’ai toujours pensé que Dieu devait s’ennuyer velu !
Je trouve que ce texte ressemble à un récit quasi philosophique et bien conté. Il nous donne à la fois le sentiment de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, celui de la dérision de notre propre existence qui confine à un certain vertige…
J’ai particulièrement apprécié l’invention du bien et du mal.
Ceci dit, je me demande s’il n’y a pas une légère incohérence quand cet atome initial est éclaté en particules qui ensuite s’agglomèrent…
Je ne suis pas spécialiste en physique nucléaire, mais je ne vois pas comment cette agglomération de particules d’abord disséminées ne ressemblerait pas à un seul et unique nouvel atome, c’est à dire presque rien, comme tu nous le dis ? Mais cela ne m’a pas vraiment gêné.
Coquillette : Une infinité de particules s’éloignèrent les uneS des autres. Et j’ajouterais bien une majuscule à notre Terre.
Merci Hermano pour tes commentaires. Comme tu peux le constater j’ai fait un sort aux « coquillettes » un peu indigestes.
En ce qui concerne les particules qui te traumatisent, je te précise qu’à l’heure actuelle elles seraient toutes issues, d’après la théorie du bing-bang, d’un noyau super dense dont la masse était celle de l’univers tout entier (comme dirait un acteur célèbre : c’est du lourd !) .
Toujours d’après cette théorie l’univers serait en expansion, expansion confirmée par les observations, les galaxies émettant de la lumière rouge et non de la lumière bleue comme cela serait le cas s’il y avait compression. Rien n’empêche certaines particules de s’agglomérer dans leur course du moment que cela respecte une augmentation de l’entropie.
Les grandes questions sont actuellement :
1) Est-ce que cette expansion est infinie ou réversible ?
2) Qui avait-il avant le bing-bang ?
Un de mes camarades de lycée avait concilié sa foi catholique et sa culture scientifique en proposant une théorie que je trouvais intéressante.
« L’esprit de dieu se déplaçait dans le vide infini et un jour cet esprit s’est cristallisé en un noyau élémentaire »
Par suite il est devenu un physicien nucléaire reconnu.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Madic
C’est encore une fois avec plaisir que j’ai lu un texte de tes écrits.
Ce que j’aime le plus dans tes nouvelles, c’est la variété de mots qui m’apprennent tout un vocabulaire.
Je t’en remercie.
Je trouve que cette nouvelle est l’une de tes meilleures, non seulement grâce à la façon dont tu l’as écrit, mais également pour le choix du sujet et, pour autant que possible, l’évitement des expressions scientifiques (populaires) qui finiraient par gâcher le style ainsi que le fond.
Ceci dit, il est dommage que tu aies introduit l’expression « l’atome initial », pour quelque chose dont nous ne savons presque rien et dont les scientifiques n’osent parler avec des mots concrets et précis comme d’un « atome » ; l’expression la plus osée étant « l’univers primordial », laissant à l’imagination des lecteurs comme notre Hermano ce à quoi ce « pas grand-chose » pourrait ressembler, comme le font toujours en vain les scientifiques.
En fait, j’adore cette nouvelle expression, ce « pas grand-chose » pour exprimer « l’univers primordial » bien qu’apparemment il les contienne tous.
L’as-tu inventé toi-même ?
Merci Purana !
Effectivement « pas grand chose » est de ma création.
Un moment je parle de l’explosion de « l’atome » initial.
C’est l’expression employée souvent par des physiciens.
Le mot Atome vient du grec « ATOMOS » qui signifie indivisible, insécable. Je reconnais que cet emploi est maladroit, car justement la particule élémentaire a été sécable.
Mais les physiciens sont des hommes (ou des femmes) et à ce titre sont fiables. Il n’y que Dieu qui est infaillible 🙂
L’origine du mot « atome » n’est pas un mystère. Ce qui me gêne, c’est son utilisation en 2019, alors que la publication approuvée mentionnant cette expression en relation avec l’origine de l’univers date de 1931 (Lemaître).
Si la traduction française de « primordial universe » est toujours « atome initial », je trouve cela plutôt décevant. D’autant plus que l’expression « the initial atom » n’est plus employée dans la littérature anglaise approuvée, si ce n’est en référence à « La spéculation la plus sauvage du monde » : Lemaître et son « atome initial », dont l’idée brillante a été transformée en une théorie plus viable par les autres, et dont « l’atome » a été jeté et remplacé par « univers primordial », une expression confortablement abstraite et permettant toutes les interprétations par les « scientifiques » théoriques.
Il n’y a rien de plus douteux que des théories !
Le fait qu’elles soient souvent publiées par des « scientifiques » ne rend pas ces théories plus fiables, car, tôt ou tard, elles s’avèrent souvent n’être rien d’autre qu’un « j’ai un rêve ».
Bien sûr, tu pourrais utiliser le terme « atome initial ». C’est seulement que, moi aussi, je trouve cela un peu maladroit.
Et puis, comment répondre à la question de notre Hermano en gardant le terme « atome initial » ?
Hermano a dit :
… je me demande s’il n’y a pas une légère incohérence quand cet atome initial est éclaté en particules qui ensuite s’agglomèrent…
… je ne vois pas comment cette agglomération de particules d’abord disséminées ne ressemblerait pas à un seul et unique nouvel atome, c’est à dire presque rien, comme tu nous le dis ? …
Notre discussion est passionnante mais stérile…
Que l’on désigne l’état initial de notre univers par « atome initial », « pas grand chose », etc. n’a aucune importance. Ce ne sont que des mots !
L’important est que l’univers soit en expansion et que l’observation confirme la théorie.
Ce qu’il y a avant ou ce qu’il y aura après n’est que pure spéculation.
Il faut absolument avoir à l’esprit que la Science détermine « le comment » et jamais « le pourquoi ».