Après avoir eu la broue dans le toupet toute la semaine, elle avait décidé de se pogner la beigne devant un verre.
Assise dos au comptoir, son regard croisa celui d’un jeune homme qui festoyait. Enfin plus que ça. Sous son pull moulant elle devinait un six packs. « Bien alléchant » se dit-elle.
Il était avec un groupe d’amis et parlait à travers son chapeau. Ils avaient tous le piton collé. En effet l’un d’eux était en petit bonhomme et essayait de toucher son nez avec son index, ce qui lui était fort difficile. L’alcool ayant coulé à flots ils avaient les yeux dans la graisse de bines et l’exercice devenait d’autant plus compliqué.
« Jolie fille, dommage qu’elle ait de l’eau dans la cave. » pensa t-il. Cela dit ça laissait voir de très jolies chevilles, et laissait augurer du reste.
Il décida de se lancer, au risque de manger ses bas « Tire toi une bûche » lui dit-il.
Ce qu’elle s’empressa de faire. Elle était aux oiseaux, il allait lui chanter la pomme, elle l’avait bien compris. Elle qui avait tant besoin de se remettre sur le piton, une aubaine !! et de plus il était jeune et beau garçon.
Les premiers contacts établis, tard dans la soirée, ils décidèrent de frotter le lard ensemble.
La malheureuse se rendit vite compte qu’elle s’était fait passer un sapin. Il avait les mains pleines de pouces et des croutes à manger. Quant aux six packs ils semblaient bien avoir fondus…Son imagination avait dû lui jouer des tours.
Le soleil était déjà haut. En s’habillant elle jeta un regard vers lui, il ronflait en plus !! Quant à elle, elle avait les yeux comme des trous de suces…Le charme était bel et bien rompu.
« Il est grand temps que j’aille sus l’bonhomme se dit-elle fuyant ce rêve dont la réalité l’avait rattrapée.
Morale de cette histoire : A Montréal, à Paris, à Rome ou ailleurs : Mesdames, ne fantasmez jamais sur des pulls trop moulants….
Rolande
Atelier du 7 juin Sanguinet.
Ecrire un texte en utilisant les expressions québécoises de la liste. Je me suis lancé un défi toutes les utiliser soit 19 sur 19.
Avoir la broue dans le toupet : être surchargé de travail. Se pogner la beigne : ne rien faire, paresser. Six packs : avoir des tablettes de chocolat. Parler à travers son chapeau : parler à tort et à travers. Avoir le piton collé : avoir le fou rire. Avoir les yeux dans la graisse de bines : avoir le regard altéré par l’alcool. Avoir de l’eau dans la cave : porter un pantalon trop court. Manger ses bas : être frustré ou déçu. Tirer une bûche : prendre une chaise. Se mettre en petit bonhomme : s’accroupir. Être aux oiseaux : être très content. Chanter la pomme : faire la cour. Se remettre sur le piton : retrouver le moral. Frotter le lard : faire l’amour. Se faire passer un sapin : se faire duper. Avoir les mains pleines de pouces : avoir 2 mains gauches. Avoir des croutes à manger : avoir encore beaucoup à apprendre. Avoir les yeux comme des trous de suce : avoir les yeux minuscules en raison de la fatigue. Aller sus l’bonhomme : débarrasser le plancher.
Je me dois de réagir à ce plaisant exercice, ayant vécu près de huit ans à Montréal et ayant ramené sous le ciel de France un amour de québécoise avec qui je partage ma vie. Je connaissais beaucoup de ces expressions mais pas toutes.
La langue québécoise ne manque pas de reliefs, il me semble qu’elle est plus directement expressive que notre français, du moins dans le quotidien, peut-être parce que moins formelle et plus proche des émotions.
Chriss ! Que j’ai aimé et que j’aime encore ce pays !