Texte issu de l’atelier d’écriture en ligne d’octobre 2020. La consigne est ici.
La mousse tapissait les rochers qui masquaient l’entrée de la grotte, une mousse bien dense et bien verte, égayée de petites fleurs blanches.
Une mousse tellement belle que Rose n’avait pu s’empêcher de la caresser. Guy qui n’attendait qu’une occasion pour s’approcher d’elle avait posé une main sur la sienne. Voyant qu’elle se laissait faire, il avait placé son autre main sur sa taille et l’avait attiré vers lui. Rose s’était adossée à la mousse si douce et tendait ses lèvres vers lui lorsque son appui se déroba sous elle, révélant un passage caché. Elle faillit tomber à la renverse mais Guy la rattrapa. Lorsqu’ils se relevèrent, ils découvrirent une large anfractuosité qui permettait le passage d’un homme debout. Tous deux passionnés de spéléo, ils n’hésitèrent nullement à s’y engager. À vrai dire, ils étaient plutôt excités par cette découverte. Au bout d’une trentaine de mètres, il leur sembla apercevoir une légère lueur. Aussi, malgré les éboulis qui rendaient le chemin de plus en plus difficile, ils continuèrent leur progression. Rose allait la première, faisant fuir quelques rats surpris d’être dérangés. Grâce à sa veste et ses pantalons en toile, elle put ramper mais en se glissant entre deux rochers elle se râpa la main. Elle parvint néanmoins à dégager le chemin pour son compagnon.
– Guy, il y a de la lumière là-bas ! Qu’est-ce que ça peut bien être ?
– Une installation spéléo peut-être ?
– C’est bizarre, non ?
– Maintenant qu’on est là, t’as pas envie d’en savoir plus ?
– J’sais pas
– Eh bien, moi oui ! On en connaît des grottes dans la région, et celle-là on ne l’a jamais vue, ni même entendu parler !
– On pourrait revenir avec du matos et des copains ?
– Avec des copains ? Ah, non, si quelqu’un doit découvrir cette grotte, c’est nous !
– Découvrir cette grotte, ça n’a pas de sens, d’autres l’ont trouvée avant nous, puisqu’il y a de la lumière…
– Sois pas trouillarde, allez, avance !
Rose soupira, de toutes façons ils ne pouvaient pas échanger leurs places et elle ne voulait pas passer pour une peureuse. Ils aboutirent bientôt à un long boyau aux parois humides, où il fallait cheminer courbé pendant quelques minutes. Il était éclairé par des torches installées tous les dix mètres. Au loin, on entendait un souffle inquiétant.
– T’as vu les torches Guy ?
– Oui, elles doivent fonctionner sur batterie, ça m’a tout l’air d’être un truc de spéléos.
– Et c’est quoi ce bruit à ton avis ?
– Il doit y avoir une entrée d’air à l’autre bout
Ce couloir improbable débouchait sur une large salle arrondie au plafond d’une argile ocre, très lisse, qui pouvait accueillir au moins trente personnes. Au centre, une table de marbre gris, carrée, sur laquelle se dressait un gros cierge trapu.
Rose l’aperçut la première.
– C’est quoi ce truc ? On dirait une salle de cérémonie secrète ? On est tombés où, Guy ?
Elle tomba en arrêt et sa voix s’étrangla :
– Viens voir ça, c’est flippant !
Tout autour de cette salle voutée des alvéoles creusées dans la roche, à espace régulier, permettaient de s’asseoir. Au-dessus de chacune d’elles, un petit portrait de la taille d’une grosse médaille. Entre elles, un cierge allumé, plus petit et plus fin que le cierge central, et à la cire de couleur rouge.
Cet éclairage si particulier ajoutait à l’aspect étrange du lieu en projetant des ombres qui s’animaient même lorsqu’on restait immobile.
Rose examina de près les portraits. Les reflets des flammes dansaient sur les figures émaillées à dominante rouge et noir, découvrant deci delà une oreille pointue, un regard sombre, un bonnet rouge, une main fourchue…
Décomposée, Rose se tourna vers Guy :
– Ça craint Guy, on est chez les satanistes !
Guy se pencha vers les portraits et la prit par les épaules. Elle se redressa, les sens aux aguets :
– Et toujours ce souffle… et maintenant, cette odeur…
– Viens ! lui murmura Guy
– Je veux m’en aller !
– Je veux savoir !
Leurs regards se croisèrent. Yeux clairs en détresse contre yeux sombres surexcités. Il l’entraîna fermement par la main et ils arrivèrent dans une deuxième grotte circulaire. Sur des autels éclairés de bougies noires étaient disposés des viscères sanguinolents, des yeux énucléés et des crânes humains. Une puissante odeur de putréfaction se mêlait à des effluves d’encens et au centre se dressait un autel surmonté d’une croix renversée.
Avant de s’évanouir, Rose eut le temps de croiser le regard enfiévré de son compagnon et d’apercevoir un 666 tatoué sur son avant-bras.
Bonjour Line,
Avant tout, je tiens à te remercier d’avoir marqué le décor en italique. Cela permet au lecteur de reconnaître plus facilement l’entrée de l’auteur dans le décor imposé par les règles du jeu.
Il faut une imagination exubérante pour créer cette courte histoire d’horreur.
Je trouve que les événements se marient très bien avec le décor et que l’ensemble donne la chair de poule.
Bien joué !
Merci pour l’astuce 666 !
À partir de maintenant, avant d’accepter l’invitation d’un gentleman admirateur, je vais lui demander de remonter ses manches. Rire.
Belle imagination pour nous décrire un lieu aussi accueillant !
Je le savais, la spéléo mène à tout, mais jusqu’à maintenant, j’avais trouvé que « Guy » était un prénom vraiment gentil…
Une belle trouvaille que ce 666 dans une conclusion qui m’a fait frémir !
Merci Line !
Merci Purana et Hermano pour vos aimables commentaires. Pour la petite histoire, Guy n’est pas forcément un prénom gentil. Les protagonistes de cette histoire s’appellent ainsi en référence au film mythique de Polanski « Rosemary’s baby » où la pauvre Rosemary était victime de son diabolique mari, Guy Woodhouse. Je ne pouvais évidemment pas appeler mon héroïne Rosemarie, cela aurait alerté le lecteur beaucoup trop tôt… donc j’ai choisi Rose, tellement plus innocent.
Bonsoir Line,
Alors que je ne suis pas du tout accoutumée à ce genre de récit (ça me fait trop peur), je suis très admirative de ton style!
Le décor invite déjà à imaginer des choses extraordinaires, mystérieuses.
Au fur et à mesure du récit, je tremble de plus en plus:
D’abord c’est le sol qui s’effondre, puis l’apparition des rats, les parois humides du long boyau….des traces de présences…
Finalement d’horribles traces de crimes.
Il y a dans ton récit un magnifique crescendo; et moi j’ai le vertige…
C’est magnifiquement écrit!
@Nima, Merci pour ton commentaire élogieux !
Tu sais, je ne suis pas amateur de scènes sanguinolentes, je lis beaucoup de romans policiers mais je n’aime pas ceux qui débordent d’hémoglobine. Et je déteste les films d’horreur. Mais comme tu le dis très justement « Le décor invite déjà à imaginer des choses extraordinaires, mystérieuses ». Sans ce décor je n’aurais sûrement pas imaginé une scène pareille ! Et finalement, ça m’a beaucoup amusée !
Je suis ravie de t’avoir fait entrer dans l’histoire !