Si un cauchemar est un rêve alors, oui, on peut dire que mon île est une île de rêve. Elle a pourtant tous les attraits du paradis : des cocotiers s’y penchent sur le sable blanc, des eaux cristallines m’y invitent à plonger parmi les poissons et les coraux, à circuler entre leurs couleurs mouvantes, au gré de la danse lumineuse du soleil et de la surface tranquillement agitée du lagon. Une nature débordant de générosité m’y nourrit abondamment, la douceur du climat m’y préserve des canicules et du froid, un alizé caressant y anime gentiment les feuillages. Toutes les apparences d’un éden vous dis-je !
Mais voilà sur mon île si belle je ne suis pas seul, je cohabite avec un monstre. Il menace mes jours et il hante mes nuits. Je ne l’ai jamais vu mais je sais qu’il est là, je vois ses traces j’entends ses sifflements. Mon sommeil est interrompu par des craquements de branches, je le sais là tout près, il me semble sentir son haleine fétide effleurer mes narines. J’ignore où est son antre mais il connaît lui mon campement qu’il approche presque toutes les nuits. Je ne vis plus que dans une extrême anxiété, dans la peur de tomber nez à nez avec cette créature que j’imagine aussi hideuse que féroce. Ah ! Que la vie serait belle sans toi ! Et si je te voyais en face ? Si une bonne fois je t’identifiais, qui sait peut-être disparaîtrais-tu ? Mais je ne peux dominer ma peur et tu es là, qui me détruis de ta lancinante et effrayante présence.
Parfois je rêve que je ne suis plus seul avec toi. Je rêve à une belle naufragée, échouée sur la plage. Je rêve de voler à son secours. Je rêve de tout lui offrir. Je rêve qu’elle ne veuille plus repartir. Je rêve de l’aimer, de l’aimer d’un amour sans tache, loin du monde. Je rêve qu’elle et moi te chassons de notre île.
Je rêve que ce soit toi qui soit chassé de l’Eden.
Voilà une magnifique nouvelle qui m’a intrigué dès le départ.
« Si un cauchemar est un rêve alors, oui, on peut dire que mon île est une île de rêve ». La première phrase qui mêle cauchemar, rêve et île m’a entrainé dans la pacifique lointain. Ensuite Chamans tu joues sur l’ambiguïté du mot “paradis” pour conforter le lecteur dans l’idée que l’action se déroule dans une île au milieu de l’océan.
En te suivant j’étais en train de nager dans les eaux cristallines. J’aimerai faire des cauchemars aussi idylliques !
Tu as continué à m’orienter vers une mauvaise piste en parlant d’éden. Alors que tu commençais à changer de direction.
“Mais voilà sur mon île si belle je ne suis pas seul, je cohabite avec un monstre.”
J’ai continué à être dans l’erreur, m’imaginant un naufragé seul sur son île déserte.
Encore une fois je me suis trompé, le héros n’est pas seul ! Il y a un “vendredi”, mais un “vendredi” monstrueux. Le rêve redevenait cauchemar…
J’ai eu peur avec lui !
Mais la chute m’a enfin ouvert les yeux, nous étions dans le paradis avant l’arrivée d’Ève et le monstre était le diable.
Bravo j’ai été mystifié, mais heureux.
La rédaction était juste et concise et j’ajouterais pleine de poésie, ce qui prouve qu’une nouvelle peut aller plus loin qu’un poème.
Une écriture à la fluidité d’huile de palme, tout en souplesse paresseuse, et qui s’épice et devient palpitante à l’évocation du monstre tapi ; comme si chaque douceur, chaque bonheur était un péché qui devrait se payer par une souffrance.
Alors, comme on le sait, il reste au fond du sac… l’Espérance.
L’espérance d’un échouage sur les rives de la Carte du Tendre. 😊
J’ai beaucoup aimé !
Seuls ceux qui ont créé leur jardin secret très privé peuvent imaginer à quel point ton île est belle.
Entre notre monde onirique et la réalité, la frontière semble se déplacer continuellement.
À cette frontière, l’angoisse toujours existante provoquée par le monstrueux “compagnon de vie” est diluée par la présence du “grand amour”. Elle / il tient nos mains en nous ramenant doucement au domaine auquel nous appartenons : le Jardin d’Eden !
En fait, je trouve que ce texte poétique est loin d’être un rêve ou un cauchemar.
Pour moi, c’est la réalité dans laquelle nous vivons continuellement et dans laquelle nous sommes chassés par le grand ennemi, l’angoisse, dans l’attente d’être tôt ou tard sauvés par notre ange gardien.
C’est la vie.
Seuls ceux qui ont appris à pousser le monstre hors de leur jardin secret et à verrouiller la porte sont bénis d’une joie éternelle ancrée dans la vraie vie.
Cher voisin, merci de m’avoir invitée à jeter un œil sur ton beau jardin secret.
Le mien est beau aussi. Par là je t’invite. Là, où tu peux t’installer sous mon magnifique platane sous lequel j’ai caché ma boîte aux trésors pleine des écritures qui m’ont impressionnée.
Je viens d’ajouter une copie de ton île dans cette boîte aux trésors.
Loki, merci pour ce commentaire détaillé, merci de nous faire part de ton cheminement à la lecture de ce petit texte. Je sais que tu aimes les nouvelles, les écrire, les lire et les disséquer. Vraiment content que celle-ci t’ait plu.
Hermano ! Oui, nous avons dans notre bagage ce lourd héritage culpabilisant. Mais heureusement il reste « L’espérance d’un échouage sur les rives de la carte du tendre ». Merci pour ce magnifique commentaire.
Purana. Subtil et beau commentaire ! Repousser le monstre est en effet la clé, mais est-ce si facile ? Il est tellement insistant ! Merci de m’accueillir à l’ombre de ton platane merveilleux. Heureux et flatté.
Un grand merci à tous les trois.