Le ciel s’oronge, pommelé d’or et d’orange. Le ciel s’orage, les éclairs horizontaux, au ras des vagues, irradient de bleu les flancs de montagne. Déjà, une trombe s’avance, happant les flots. Non loin de là, la foudre s’abat, la terre tremule . Les vitres de la grande galerie cliquetent et s’etoilent en écho aux coups de tonnerre. De gigantesques grognements mugissent à pierre fendre,d’infernales rodomontades emplissent les voûtes célestes. La charpente craque comme coquille de noix sous les assauts d’Eole. Le vent, coléreux se rue à la charge des solives,hurle et zonzone. Le palmier royal balance tel un plumeau détrempé résistant aux coups de boutoirs des avalasses. La mer moutonne, l’eau mousse sous la varangue, les embruns charrient une écume verdâtre. Pendant ce temps, sous les pales poussives des plafonniers, les moustiques tigre susurent et serinent leur sereine sérénade. Le temps est liquide. Une touffeur innommable s’appesantit aux épaules. La sueur s’insinue le long de l’échine,me faisant malgré moi, frissonner. Recroquevillée en haut de l’escalier, jupe relevée à mi_cuisses, jambes repliées sous moi, j’attends et j’espère la fin du météore. Là, tout est calme. L’océan embrasse en longs baisers ourles les bancs de sable réformes. Trempée,les pieds nus, je foule la grève,marchant cap à l’ouest, vers un improbable nadir.
Ce texte poétique montre bien qu’il y a plusieurs façons de décrire les choses : par des images ou par des mots.
A mon avis les mots transmettent des sensations que l’image ne peut faire.
J’ai été le témoin de nombreux orages dans ma vie et j’ai retrouvé dans ce texte les ressentis in vivo. Je suis encore en sueur à la fin de ma lecture…
Et tout cela est décrit avec un vocabulaire riche et varié. Que de mots nouveaux qu’hélas je ne pourrais pas retenir…
Pourquoi employer ce néologisme : « Le ciel s’oronge » et non « Le ciel s’orange » ?
Est-ce une référence à l’Amanite des Césars, ou Oronge ?
Qu’importe, le poète est le seul maître dans son œuvre !
Il est incontestable qu’à te lire on s’enrichit !
D’abord d’une beauté supplémentaire, j’ai eu l’impression de parcourir un tableau sombre, où les colères se conjuguent du ciel et de l’eau, à l’assaut de la montagne et d’une maison fragile. Ensuite de la richesse de tout ce vocabulaire, souvent inconnu de moi.
Je garde l’image du “palmier royal (qui) balance tel un plumeau détrempé résistant aux coups de boutoirs des avalasses”, et parmi les allitérations je retiens “les moustiques tigre susurrent et serinent leur sereine sérénade”. Une sérénité qu’hélas on ne partage pas ! J’entends leur ballet obsédant !
Un très beau texte sonore, tout de chaleur et de violence.
Ah ! un régal de vocabulaire pour moi aussi : des avalasses et des varangues, j’en redemande ! Attention toutefois à ne pas en abuser ce qui amènerait à frôler une certaine affectation.
Oui, je ressens tout à fait cet orage tropical et, comme aurait dit notre Labuse, cher disparu, je m’autorise « une petite génuflexion » pour ce ciel pommelé d’or et d’orange, rien que cela aurait suffit à mon bonheur de lecture ! Le temps est liquide m’a lui aussi transporté, happé derrière ce torrent de pluie chaude.
J’ai enfin aimé cet apaisement final où l’on se retrouve sur la grève comme au premier matin du monde et où je m’attends à voir la statue de la liberté émerger des sables (La planète des singes) !
https://projecteurtv.com/wp-content/uploads/2022/01/La-Planete-des-Singes-Plan-final-du-film.jpg
Alors, merci pour ce moment « torride ». Mais je voudrais toutefois émettre quelques remarques qui n’engagent que moi et qui, me semble-t-il, pourraient améliorer la fluidité du texte.
Les accents et la ponctuation mériteraient une petite relecture.
À ne pas prendre comme des vérités mais comme des impressions personnelles : il me semble que le texte pourrait être un peu élagué pour donner davantage d’impact à certaines phrases, à certaines images. Par exemple, j’écrirais bien : « Je foule la grève, cap à l’ouest, … », ou encore « Le palmier royal (se) balance, plumeau détrempé résistant aux boutoirs des avalasses », ou bien « Les vitres de la grande galerie cliquètent d’étoiles en écho au tonnerre », et encore des trucs comme ça par ci par là qui alourdissent un peu les phrases (Non loin de là … Pendant ce temps). Encore une fois, tout cela n’est que mon ressenti.