Réponse à « La route à soi » de Loki

C’est vrai que je suis en colère alors que je sais que tu n’es pas malin et que tu restes maladroit parce que tu n’es qu’un homme ; de plus, je sais que tu ne veux pas me salir avec tes idées charbonnées, tes malheurs, tes problèmes quotidiens impossibles à régler afin de ne pas dévoiler ce qui me déplairait. Oui, je sais que tu emballes de velours tes pensées noires et les garnis davantage en y attachant un joli ruban de mots afin de rendre à ce don trop lourd pour moi, l’aspect d’un bouquet de jolis pissenlits alors qu’il ne s’agit que d’une couronne d’épines de fer rouillées que tu as trouvé dans l’abysse sombre de ton âme. Mais moi, je sais aussi que parfois, il n’y a pas d’autre moyen pour ne pas perdre son image publique.
 
Ô ami, comme il doit être épuisant d’entretenir la légende de ton existence qui n’est qu’un caprice inventé par un baratineur habituel, un briseur de promesses sans que tu ne te soucies des conséquences de tes actes et en imaginant que j’ignore ce qu’il se passe derrière le rideau où tu gardes un vieux copieur pour renvoyer tes lettres d’amour écrites pour moi à ces amantes Internet malchanceuses, nouvellement trouvées.
 
Que me dis-tu ? Aie pitié de toi ? Toi l’enfant apeuré toujours à la poursuite de chimères, toi la bête sauvage craignant la perte de ta proie ; voici ta dernière tactique militaire : les gémissements du crocodile ! Oui, tes battements de cœur peuvent se mettre à rugir d’une forte amplitude assourdissante qui reste toujours d’une fréquence musicale en harmonie avec ton ardeur vacillante.
 
Je ne peux pas m’en empêcher, mais c’est ainsi que les doutes m’envahissent, je me dis pourquoi creuser un puits sans fond où l’eau semble s’enfuir vers le néant et sur le bord duquel je resterai désemparée avec une soif incoercible ? Aurait-on la force et le temps d’accepter le bien-aimé d’une telle alchimie ? Comment faire de cette entité étrange un véritable ami galant sans qu’il ne devienne une charge ou un boulet fatal qui pourrait me conduire vers le pays du non-retour et au-delà ? Il me faut m’échapper, prendre la route, ma propre route de soie, ma propre route qui ne convergerait jamais avec la tienne.
 
Ah … le pays du non-retour et au-delà… comme j’aimerais y être pour le reste de ma vie à condition que mon capitaine à moi soit là pour me tenir la main et me conduire vers un autre univers de non-retour.