– Coucou Matelote ! C’est moi, Purana. Où es-tu ?
– En Australie.
– Ici, il fait beau. Et là-bas ? Le soleil brille-t-il aussi ?
– Non.
– Il pleut ?
– Non.
– Il neige ?
– Non.
– Alors ? Pourquoi ne finis-tu jamais tes maudites phrases ? On n’est pas sur Facebook avec des petites phrases qui ne servent à rien, tu sais.
– Eh bien … Pas de soleil, pas vraiment de pluie, pas vraiment de neige non plus.
– Raconte -moi !
– Rien que de la neige mouillée ici. C’est une neige qui manque de consistance si bien qu’elle fond dès qu’elle touche le sol. L’herbe reste toujours verte ; un spectacle étrange.
– Ne désespère pas ! Les précipitations ont besoin d’un peu de temps pour décider, ma chère. Dans quelques heures, le soleil brillera ou il pleuvra ou bien il neigera et tu trouveras une carte de Noël sur le seuil de ta porte.
– Mais je préfèrerais que cette neige mouillée continue de tomber pendant un certain temps. C’est comme un état d’esprit indécis ; ni pleurs, ni rugissements, ni haine, ni amour, ni vengeance, ni compassion, …
– Cela me semble assez ennuyeux quand même.
– Pour moi, ce n’est pas ennuyeux du tout. Là, quelque chose commence à bouillir sous l’eau tiède ; de nouvelles idées commencent à poindre et de nouvelles portes s’ouvrent prudemment lorsque tu regardes tomber la neige mouillée.
c’est une sorte de l’amour au temps du corona.
Tiens, moi qui croyait que l’Australie était encore ravagée par les feux de l’amour, j’avais oublié que c’est le plein hiver là-bas ! Dieu les garde !
Un mélange surprenant et déroutant, surtout au début de ce texte, comme si la protagoniste – dont on nous dit qu’elle s’appelle Purana – était aux prises avec des sentiments contradictoires, ou pour le moins étranges, qu’elle aurait du mal à saisir comme on aurait du mal à saisir à pleines mains une neige qui fond, “comme un état d’esprit indécis“.
Et puis, plus loin, j’y ressens comme une sorte de renoncement, d’acceptation et même de rationalisation : ce qui arrive est bienvenu, et je dois trouver les raisons pour lesquelles c’est bon pour moi. “Ce n’est pas ennuyeux du tout“… Une posture qui me fait penser à un vieil adage qui dit “Faute d’avoir ce que tu aimes, il faut aimer ce que tu as !”
Quant au titre… Ah ! Le titre ! Mon sang n’a fait qu’un tour car “L’amour aux temps du choléra” est mon livre préféré : un chef d’œuvre d’écriture, de sensualité, de parfait romantisme, et d’amour magnifié jusqu’à la dernière ligne.
J’avoue que j’ai du mal à faire le parallèle avec nos temps modernes du Corona, et je trouve les amours distanciées via Tinger (ton lien internet) beaucoup moins palpitantes et charnelles que celle du maître García Márquez.
Pourtant, pour une histoire d’amour électronique à distance je ne saurais trop vous conseiller la lecture de “Et je danse aussi”. Le meilleur livre que j’ai lu depuis au moins un an.
Tout en délicatesse et en complexité, un peu comme ton texte, Purana.
Oui, tu as très bien compris l’essence de ce dialogue entre Matelote et moi.
Au cours de cet enfermement, une chose m’est devenue claire : l’être humain n’était pas destiné à vivre une vie virtuelle.
Nous devons nous voir, nous sentir et nous toucher dans le bon ordre.
Durant la première phase, c’est-à-dire le “voir”, le fantasme commence à nourrir la “loi de l’attraction”. Ce “voir” peut être remplacé par des échanges de lettres, de messages et de “tweets” poétiques tout en restant prudent.
Cependant, la perspective du “un jour, nous nous rencontrerons” est le repas de fête indispensable qui maintient le fantasme vivant et puissant.
Même les plus impatients d’entre nous se transforment en admirateurs attendant tranquillement le jour de la récompense.
Éloignez cette perspective et les fantasmes des multiples plats du long repas français promis commencent à perdre tous les goûts et toutes les couleurs : l’apéritif devient un toast sec sans garniture savoureuse ; l’entrée devient carpaccio de bœuf blanchi ; le plat principal manque de l’odeur invitante et des légumes colorés qui garnissent l’assiette ; la salade n’est qu’un tas de vieilles feuilles de laitue décolorées ; la sélection de fromages authentiques servis sur une planche de bois est remplacée par un petit panier touché mille fois et rempli de fromages “gourmands” emballés dans des plastiques de différentes tailles et formes.
À ce stade, vous décidez de sauter le dessert et commandez le café qui s’est malheureusement transformé en une tasse d’eau.
Maintenant, je me rends compte qu’il me faut remplacer la vidéo jointe à mon texte. Ce n’est pas conforme à mes pensées.
Je vais donc supprimer
https://www.rts.ch/play/tv/19h30/video/lamour-au-temps-du-corona-les-celibataires-sont-plus-disponibles-pour-echanger-et-imaginer-des-rencontres-exceptionnelles?id=11266003
en le remplaçant par
https://www.youtube.com/watch?v=R2BaXD6xSjs
Merci de ton commentaire et de ton conseil.
Je viens de lire “Et je danse aussi”. Oui, c’est un merveilleux petit livre avec une fin heureuse après une longue période passionnante de fantaisie et d’imagination.
Je me demande si les acteurs principaux auraient réussi à attendre cette fin s’ils s’étaient trouvés dans ces jours étranges “au temps du Corona Virus”.
Bien à toi,
Purana
Quand je te lis, j’ai parfois l’impression d’écouter la Pythie de Delphes, mais j’aime ça : j’ai le produit fini, mais je dois trouver à quoi ça sert et quel en est le mode d’emploi ! Je ne m’ennuie jamais.
En ce sens, ton commentaire est tout aussi intéressant que ton texte initial.
Tiens, à propos du titre de ton texte, j’ai moi aussi une petite vidéo à te soumettre : https://www.youtube.com/watch?v=Nf8nA8_p5Y8&feature=youtu.be
Plutôt amusant et dans le style tragédie classique…