Elle s’ennuyait dans sa maison bien propre
Derrière son triste carré de gazon.
À son firmament
Les étoiles s’éteignaient une à une.
Son guerrier au large sourire
Ne réclamait même plus le repos.
Alors, coupable mais déterminée
Elle choisit un avatar et un pseudo
Et s’en fut à l’aventure du bout des doigts.
Elle en rencontra des beaux, des timides,
D’autres qui plastronnaient l’envi,
Des Rolex,
Des pâtres des montagnes,
De très vulgaires et aussi quelques philosophes.
Animée par l’envie du grand large
Mais n’osant franchir le pas
La belle ne se dévoilait jamais trop
Tenaillée par l’angoisse de changer sa vie
De le laisser, lui
Et de laisser tout cet univers
Qui commençait à trembler.
Avec ces hommes, rien ne s’était passé
Mais elle était convaincue
De déjà le tromper,
Un jour, pourtant, ou plutôt une nuit
Alors qu’il était sorti,
Elle céda.
Elle céda à l’élégance, à la délicatesse
À tant de délicieux mots d’amour.
Toute son âme fut à cet étranger
Perdu dans la grande toile.
Au premier rendez-vous
Elle arriva tremblante,
Et trembla encore davantage
Quand elle vit, oui quand elle vit
Que c’était
son mari.
Quand les araignées filent leur toile,
elles attrapent souvent les mêmes mouches.
Un texte poétique qui décrit avec justesse et délicatesse l’usure du couple, des images bien choisies : le triste carré de gazon, la maison bien propre, les étoiles qui s’éteignent… Un texte qui décrit aussi les réserves de fraîcheur, de passion et d’enthousiasme qui subsistent et ne demandent qu’à être libérées de l’encrassement du quotidien.
Finalement ces deux-là s’étaient bien choisis puisqu’ils parviennent à se séduire en se débarrassant des oripeaux de la routine ?
Reprenons le cours de ton histoire : Que se passa-t-il alors ???
Cette situation me rappelle une chanson de Kate Bush, une de mes chansons préférées. Voici les paroles traduites en français: https://www.paroles.net/kate-bush/paroles-babooshka-traduction . On peut imaginer que dans la chanson rôle masculin et féminin soient inversés par rapport à ton histoire, c’est une version possible à mon avis.
Et voici le clip de Kate Bush pour goûter sa voix si particulière : https://www.youtube.com/watch?v=6xckBwPdo1c (je vous préviens, elle est un peu allumée, mais si talentueuse). La chanson est de 1980, le clip est de 2010.
Oui, c’est vrai, la chanson de Kate Bush évoque aussi cela, du temps (1980) où l’on n’était pas encore dans l’immédiateté, où l’on prenait la plume pour écrire après avoir réfléchi pour peser ses mots… et où il fallait aller au moins jusqu’au coin de la rue pour poster sa prose, et puis attendre plusieurs jours pour obtenir une réponse ! On n’imagine pas à quel point Internet a transfiguré nos vies. Et je ne vous parle pas de la correspondance entre George Sand et Frédéric Chopin, une histoire d’avant le timbre-poste !
Pour en revenir à Kate Bush, je la trouve vraiment bien jeune sur le clip pour qu’il soit de 2010.
Oui, c’est vrai, la question est : “Que se passa-t-il alors ?”. Je n’en sais rien, et figure-toi que j’ai même pensé à gommer les deux derniers vers avant de publier, c’est dire !
Au sujet des échanges amoureux sur la toile, je ne saurais que vous conseiller l’excellent roman “Et je danse aussi” (Anne-Laure Bondoux – Jean-Claude Mourvelat). Une approche vraiment étonnante et inhabituelle du roman que j’ai beaucoup aimée. Subtil, délicat, et avec une véritable intrigue.
Texte qui relie poétiquement et humoristiquement le “Web” et l’éternel angoisse des couples : l’herbe est plus verte dans le champ d’à côté !
Hermano tu reprends sous une forme plus moderne, le thème développé souvent dans les vaudevilles théâtraux.
La réalité de la toile est souvent plus angoissante. Dans ton texte l’araignée n’est pas vraiment présente, alors que sur le Web le prédateur est souvent à l’affut.
Le Minitel rose était presque un conte de fées par rapport cette toile mondiale qui nous enserre tous, qui sait tout de nous…
Oui le web sait de plus en plus de choses de nous et on peut même imaginer, hélas, que les élégants mots d’amour qui charmèrent cette dame aient été trouvés via un algorithme conçu pour “maximiser” les chances de “toucher la cible”. Comme c’est romantique… Mais ce n’est qu’une hypothèse. On peut aussi être optimiste et croire aux ressources naturelles de l’amour.
Je ne résiste pas à reproduire ici un échange épistolaire entre George Sand et Alfred de Musset (elle savait attirer les talents!).
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d’un cœur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots :
Vous saurez quel remède apporter à mes maux
Alfred de Musset à George Sand / poème acrostiche
Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
George Sand réponse à Alfred de Musset / acrostiche
Cher Hermano,
l est vrai que tu abordes le même sujet que Kate Bush dans sa chanson que je ne connaissais pas (merci, Line !).
Il est vrai aussi que je les apprécie tous les deux.
Quant à
“Quand les araignées filent leur toile, elles attrapent souvent les mêmes mouches“,
je préfère ceci :
Asinus ad lapidem non bis offendit eundem.
(Un âne ne trébuche pas deux fois sur la même pierre).
@Purana : Un âne ne trébuche pas, mais un homme ou une femme, si ! Si j’en crois ce que je lis et entends partout ; ils retombent souvent dans les mêmes ornières… me dit-on ! Merci d’avoir commenté.
@Loki : Je vois que j’ai affaire à un expert ! Je ne me souviens pas vraiment du Minitel rose, mais je ne pense pas qu’il permettait des échanges directs entre “utilisateurs” du service.
@Line : Ah ! George Sand ! La baronne était souvent bien en avance sur son temps par ses mœurs, ses tenues et ses habitudes !
Tiens, en voilà un autre couplet qu’on aime bien lui attribuer, mais peut-être le connaissez-vous déjà ?
Mieux qu’un tweet, en tout cas :
Je suis bien émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre soir que vous avez
toujours l’envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais que ce soit
la preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
dévoilée, sans artifice, mon âme
nue, daignez me rendre visite.
Nous danserons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sérieuse capable de fournir l’affection
la plus profonde comme la plus étroite
amitié, en un mot la meilleure épouse
que vous puissiez imaginer. Puisque votre
âme est libre, pensez que ma solitude su-
bite est longue et bien dure et souvent
pénible, aussi, en pensant à vous, j’ai l’âme é-
branlée. Accourez bien vite me la
faire oublier. À l’avance, je veux me sou-
mettre entière.
Magnifiquement écrit.
Une fable moderne sur l’amour qui lentement s’éteint. Mais qui sait : ” On a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux”.
Un jeu de fausses identités, un marivaudage du XXI° siècle.