Mémoire musicale.
Comme elle remontait l’avenue des Coccinelles, Leni entendit un air de musique.
Étonnée, elle s’approcha des maisons. Elle reconnut le son d’un alto.
« Quelqu’un s’exerce dans une pièce, tout en haut ! », pensa-t-elle.
Leni avait étudié, durant de nombreuses années, le violon, puis l’alto. Elle avait goûté à cet
apprentissage difficile et exigeant. Elle avait admiré les formes et les matières de ces instruments.
Interpellée, elle s’assit sur un muret et écouta, concentrée :
une suite de notes graves, chaleureuses lui parvenait par une fenêtre entrouverte.
La mélodie était une Chaconne de Jean-Sébastien Bach ; elle reconnut le rythme régulier comme
celui du cœur humain, un chant intense, profond, une voix de basse proche de celle d’un homme.
En repartant elle se souvint avec émotion de son alto ; elle revit le dos de ce bel objet ;
il ressemblait à une colonne vertébrale ; le bois d’épicéa offrait de gracieuses nervures, de multiples
nuances de brun, d’ocre, de roux. Le bas de la ligne médiane présentait une cicatrice noire comme
une minuscule échelle.
Elle rentra chez elle, la tête remplie de ces images et de ce chant.