Suite à la proposition de Hermano en commentaire de ma (modeste) nouvelle, je propose ce jeu.
Vous pouvez donc imaginer une fin alternative ou une suite, en une ou plusieurs parties.
Vous avez carte blanche.
Merci à vous, Vico.
Robert le magicien partie 1 : https://oasisdepoesie.org/textes-dauteurs/nouvelles/vico/robert-le-magicien-partie-1/
Robert le magicien partie 2 : https://oasisdepoesie.org/textes-dauteurs/nouvelles/vico/robert-le-magicien-partie-2/
Pourquoi pas, Vico, mais je me suis permis de rajouter les liens vers les 2 parties de ta nouvelle, ce sera plus facile pour y accéder.
Ces balles étaient exceptionnelles : sensibles à la lumière, aux sons, à l’air… Trois d’entre elles touchèrent Pollux et s’y installèrent ; d’autres allèrent se balader autour d’Orion et y restèrent. Une balle multicolore solitaire rencontra un astronaute ; il s’était échappé de sa fusée ; il errait dans l’espace en apesanteur. La balle sourit à l’astronaute et tenta de faire connaissance avec lui dans un langage bigarré :
– d’où viens-tu ?
– Je me suis échappé de la fusée Voniza car la vie y était trop dure, pour moi ; je dormais mal, secoué par des courants d’air froid ; je ne recevais, pour toute nourriture, que des comprimés fades ; j’étais tout le temps houspillé ; tout doit aller à la vitesse de l’éclair, dans une fusée. Je veux revoir ma belle fiancée ; elle vit dans le Colorado ; elle m’attend ; je veux revoir mes amis ; je veux respirer un air sain! Et toi, d’où viens-tu?
– Je ne sais pas ; je me suis trouvée, hier soir, dans un tourbillon de balles venues d’un coin de la terre ; je ne connais pas mes parents ; mes frères et mes sœurs se sont éparpillés dans l’espace. Veux-tu faire un bout de chemin avec moi ?
– Oui, dit l’astronaute, volontiers !
La balle s’ installa sur le haut du casque de l’homme de l’espace. Ils remontèrent un peu puis l’astronaute s’élança horizontalement ; ils naviguèrent pendant quelques heures et arrivèrent à une sorte de petite île entourée d’un épais brouillard. Là vivaient de petits êtres gris-bleu ultramobiles ; ils ne parlaient pas ; ils s’exprimaient par des gestes de leurs petits membres élastiques. Un groupe de ces êtres hyperlaxes accueillit la balle multicolore ; elle s’adapta à leurs mœurs et vécut longtemps en leur compagnie.Quant à l’homme de l’espace, il rejoignit sa belle dans le Colorado.
[Troisième partie]
La nuit est tombée. Sur le rivage d’un fleuve, une silhouette féminine surgie de l’ombre lève les mains. Dans un halo de lumière, un homme appelé Éric réapparaît au monde. Cet homme n’a pas le temps de s’en réjouir car la femme surgie de l’ombre l’assomme d’une simple pression du doigt sur la tempe. Puis l’emmène avec elle, en le traînant au sol, jusqu’à une cage où elle l’enferme.
Puis elle relève la main vers le ciel. Une autre lumière éclate. Un certain Robert est ressuscité à son tour. Lorsqu’il est placé dans la cage, il est encore inconscient. La silhouette s’éloigne. Un moment passe. Les deux hommes se réveillent.
– Où… Où suis-je ?!…
– Mais qui voilà en ma compagnie ?! Toi !…
– Ho non…
– Tu n’as pas l’air content de me voir, on dirait ! Comment ça va mon Robert ?!…
– Bordel…
◊
Un peu plus tard…
– Abracadabra…
…
– Abracadabra…
…
– Abracadabra… Et merde ! Ça ne marche pas…
…
– Tant pis… Donc je me retrouve là, sans savoir comment j’y suis arrivé… Dans une cage que je n’arrive pas à faire disparaître. Avec toi. Je dois être maudit…
– Je t’avoue mon Robert que j’ai du mal à y croire moi aussi ! Allez, avant qu’on élucide ce mystère, raconte-moi : T’as fait quoi après m’avoir changé en argile ? J’ai un doute… C’est bien en argile que tu m’as transformé ? En balle d’argile, hein, c’est ça, j’en suis sûr, je l’ai senti ! Belle revanche de ta part !
– Tu es toujours aussi timbré.
– Alors qu’as-tu fait dis-moi ?!
Robert jette un regard en direction des cieux. Il fouille dans ses souvenirs récents, à peine récupérés, assourdis par sa mort plus récente encore.
– Je crois que… J’ai voulu provoquer la chute des étoiles.
– Vraiment ?!
– Je crois que j’ai voulu détruire le monde… J’ai peut-être failli le faire, va savoir… Tu avais raison. Je suis un vrai danger public.
– Pour le coup tu m’impressionnes, Robert. Mais je ne suis pas sûr de comprendre ce que t’as réellement fait…
– Je ne suis pas sûr de comprendre moi non plus… Ce que j’avais en tête à ce moment-là. Ou pourquoi je t’ai changé en argile, pourquoi j’ai fait de ces têtes coupées des oiseaux en vol… Au passage, tu es vraiment un fou meurtrier. Pourquoi avoir tué tous ces gens ?
– Ce n’est pas la bonne question.
– Abracadabra… Comment ça ?
– Mon Robert, tu n’as pas l’air de te rendre compte de la situation. Quelqu’un nous a ressuscité. Ce quelqu’un doit être vraiment fortiche parce que normalement, ressusciter quelqu’un, c’est impossible.
– Très bien, j’en prends note. Abracadabra… En attendant, je n’arrive toujours pas à faire disparaître cette cage.
– En attendant on dirait qu’on a de la visite…
Elle revient à eux. Cette silhouette. Cette femme surgie de l’ombre.
Elle leur dit être une Sœur de la Nuit.
Elle fait disparaître la cage.
Elle leur révèle bien des choses, d’un ton implacable.
– Je vous ai observé. Longtemps. Tout comme j’ai observé d’autres magiciens avant vous.
Ce que vous appelez magie n’est qu’un agrégat de forces anciennes et incomprises par l’humain. Lorsque vous dites « Abracadabra », vous n’êtes que les jouets d’un processus mécanique inexorable, sans libre arbitre, sans contrôle, sans liberté. Ce que vous appelez magie vous fait agir de façon absurde. Ce que vous appelez magie vous pousse à changer la moindre matière organique en matière inanimée, chaque personne vivante en objet non-conscient, de façon irrémédiable.
Ce que vous appelez magie vous rend fou.
Vous avez été les rouages d’une machine infernale.
Vous pouvez encore la détraquer.
…
La Marne-Morne approche…
Robert s’avance lentement face cette inconnue aux yeux de flamme, anonyme Sœur de la Nuit.
– Je veux retrouver ma famille. Ma femme et mes deux enfants.
– Robert le magicien… Celui qui échappe à la folie de l’âme. Le rouage qui a gardé sa raison…
Je ne pourrai faire revenir les tiens. Jamais.
– Pourtant, tu nous as ressuscité. Moi et ce fou dangereux.
– Car vous êtes des magiciens. Des éléments de cette mécanique folle. Des éléments capables d’être sauvegardés, le temps d’une dernière marche.
– Alors… je n’ai plus aucun espoir.
Son regard brille d’une lueur qui semble être celle de l’empathie. La Sœur de la nuit l’a entendu. Elle avise Robert, le dévisage de ses yeux pénétrants et lui répond :
– L’espoir fait briller, ô magicien…
Dans le manoir… Ces têtes humaines sur les marches d’escaliers. Tu n’aurais pas dû pouvoir les changer en oiseaux… Normalement, ce que vous appelez magie ne fait pas ça.
– Qu’essayes-tu de me dire ?
– Je m’interroge seulement sur ce que tu es capable de faire. Tu sembles pouvoir changer de la matière inerte en organisme vivant.
Robert ne dissimule plus sa tristesse. Il cherche ses mots, en sachant qu’il s’agit là de sa dernière chance.
– Ressusciter quelqu’un… quelqu’un de non-magicien, de non-magicienne… ressusciter quelqu’un, plus que le temps d’une dernière marche… c’est vraiment impossible ?
…
– Ça l’est.
Mais la vie retrouve la vie, Robert.
…
– Mais pour l’heure…
La Marne-Morne approche…
◊
◊ ◊ ◊ ◊ ◊
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[Quatrième partie]
Une créature gigantesque avance dans la nuit.
Tout ce qu’elle touche devient argile.
Cet arbre. Ce passant. Cet oiseau.
Ces maisons et tous leurs occupants.
Ces villes et tous leurs habitants.
Ce que la magie a provoqué ici. Un dérèglement des lois physiques. Cette créature s’appelle la Marne-Morne. Venue d’un ancien chaos, d’une ère lointaine où cette réalité était effroyable.
…
Deux hommes marchent vers leur destin.
Éric et Robert. Les deux magiciens en sursis.
Éric est en pleurs. Il regrette ce qu’il a fait à « son Robert ». Il ne semble pas avoir retrouvé sa lucidité pour autant. En témoigne son regard qui tressaille, son regard de rouage fou.
– C’est de ma faute mon Robert ! Je t’ai refilé ce pouvoir magique, cette malédiction… C’est à cause de ça que ta famille a disparu, Robert bon sang j’aurais mieux fait de me changer en brume ! Un peu de brume n’a jamais fait de mal à personne… Robert, je t’en prie change-moi en brume !…
Robert le dévisage, d’abord interdit. Puis la peine le reprend. Entièrement. Une peine qui efface tout reste de colère, presque tout espoir.
– Je n’ai pas envie de te changer en brouillard, Éric…
…
Des squelettes gisent sur le chemin.
Tout ce qu’il reste des magiciens qui les ont précédés.
– La Sœur de la Nuit nous avait prévenu. Nous sommes les derniers.
– Tu penses qu’on va finir comme eux ?
– Je ne sais pas, Éric.
…
L’aube se lève…
– Tiens… Il pleut… De l’argile ! Il pleut de l’argile ! Tu vois ça, Robert ?
– Je pense que non, Éric. L’atmosphère elle-même est en train de se changer en argile. J’aperçois la Marne-Morne… Face à nous, tu la vois ?
– Je… Je la vois…
– Il est grand temps d’y mettre fin.
…
Une créature gigantesque avance à travers l’aube.
Tout ce qu’elle touche devient argile.
La Marne-Morne des dimensions effondrées.
Deux magiciens vont à sa rencontre. Jusqu’à la toucher du bout des doigts.
– Bonne chance, Robert.
– Bonne chance, Éric.
Et alors la créature disparaît. Ainsi que les deux magiciens.
La voilà faite d’argile et de calcite. Là voilà morte comme tout minéral. La Marne-Morte s’effondre sur elle-même et le vent l’emportera.
Éric est changé en sable. Lui aussi le vent l’emportera. Au dernier moment, il éclate d’un étrange rire victorieux. Quelle revanche prend-t-il ou quel soulagement ressent-il ? Est-il simplement heureux de ne pas disparaître seul ?…
Reste Robert. Robert le magicien. Le dernier.
Lui aussi se transforme. Argile et sable, vent et terre.
Au tout dernier moment, il ferme les yeux une dernière fois…
◊
Bien plus tard…
Sur une terre argileuse, la Vie a repoussé.
Les premiers êtres de feuilles d’une future forêt.
Deux grands arbres et deux arbrisseaux.
En réalité,
ce sont
des retrouvailles.
FIN