Etienne était venu seul. Il avait garé son camping-car sur le belvédère au-dessus des gorges. Quinze ans qu’il n’était pas revenu là. Une sorte de pèlerinage pour lui.
En ce début de juin, aucun touriste, c’était le calme absolu. Il était onze heures, le temps était aussi magnifique que ce jour-là, l’air aussi léger. Etienne regardait sans la voir, à la sortie des gorges, la rivière qui serpentait entre le rocher escarpé où se tenait le village et les prairies à perte de vue sur l’autre rive.
Il passa la main dans ses cheveux. Il restait là, accoudé au garde-fou du belvédère. Un passant aurait pu le croire en pleine rêverie, mais son esprit bouillonnait, trop occupé pour jouir de la majesté et du calme des lieux. Les yeux rivés sur le même point fixe, tout affluait de nouveau à sa mémoire. Depuis qu’il était venu ici avec Steve, Alain et George rien n’avait changé, sauf peut-être…
… … …
(Commencé par Hermano)
Deux autres histoires à continuer
Suite à plusieurs mains – Opus 4
Suite à plusieurs mains – Opus 5
Merci de lire la suite dans les commentaires ci-dessous et d’écrire vous-même une suite à tout ceci.
Votre contribution se terminera par une phrase qui invite un autre participant à continuer le texte, par exemple par une phrase non achevée (c’est ainsi que… par ailleurs… de son côté… mais… lorsque… etc.).
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N.B. Après avoir lu, ne tardez pas à écrire et à poster votre suite pour éviter qu’un autre participant ait pris la place !
Ce ne serait pas trop grave cependant, nous vous faisons confiance
pour opérer quelques petits aménagements pour rendre le texte cohérent.
Depuis qu’il était venu ici avec Steve, Alain et George rien n’avait changé, sauf peut-être…
Cette corde le long de la falaise sud, effleurant le rocher que son regard ne quittait pas. Ce rocher si précisément gravé dans sa mémoire, humide et glissant car jamais exposé au soleil. Ce rocher fatidique où certainement personne n’avait osé reposer le pied depuis l’accident, du moins sans l’aide de cette corde qui n’existait pas lors de leur périlleuse randonnée, organisée par Steve pour sceller leur amitié. Puis il y avait eu l’idée du plongeon à laquelle la chaleur écrasante de cette caniculaire journée de juin les avaient tous ralliés, et la difficile descente jusqu’à cet étroit rocher afin d’accéder à une petite plate-forme naturelle surplombant la rivière. Cette éprouvante progression avait accru le désir de se laisser enfin tomber dans les eaux vertes profondes et fraîches, à l’ombre ou au soleil sombres ou scintillantes. Mais Steve n’a jamais accédé à la plate-forme.
Soudain Etienne tendit l’oreille …
Soudain Étienne tendit l’oreille ! Une pierre dévalait de la falaise. Elle rebondissait sur la pente. À chaque saut elle volait dans l’air pour retomber plus loin. Finalement elle arriva à la petite plate-forme, fit un dernier saut et elle plongea dans le lac de Sainte-Croix.
C’était une pierre analogue qui avait scellé le destin de Steve. Les jeunes gens avaient décidé de gravir la falaise pour aller plonger dans les eaux bleutées du Verdon. Tous les quatre, sportifs aguerris, faisaient la course pour arriver le premier à la plate-forme ! Steve était en tête, il allait accéder en tête sur le promontoire, quand une pierre le faucha dans sa montée. Il lâcha et dévala la falaise.
Étienne, en vain, tenta de le retenir au passage. Il ne put que le toucher, la descente de son ami était trop rapide. La course de Steve se termina dans l’eau du lac de Sainte Croix. Accrochés à la falaise, les trois amis ne purent qu’assister, impuissants, à l’engloutissement de Steve dans le Verdon. Seul un filet de sang à la surface de l’eau marquait le point de chute du malheureux jeune homme…
Que le lecteur ne soit pas troublé : il faut dire que le lac de Sainte Croix est un lac de barrage construit sur le cours du Verdon. Un site admirable ! Quant à savoir si, pour atteindre cette damnée plate-forme les quatre jeunes-gens montaient ou descendaient, je vous conseille de demander aux gens du coin si vous visitez la région.
Mais ce qui est certain, c’est malheureusement qu’une pierre avait dévalé la pente pour heurter Steve en plein front, le faire dévisser de sa prise sur la roche et tomber trente mètres plus bas dans cette eau si convoitée qui maintenant se teintait de sang. L’horreur, on aurait pu se croire dans une scène du film Délivrance. Manquaient le banjo et la guitare…
Étienne, accoudé au belvédère, pensait à tout cela avec douleur… comment, avec George, ils avaient difficilement atteint la rivière très profonde au niveau de ce lac de Sainte-Croix pour tenter de sauver Steve, pendant qu’Alain partait alerter les secours.
Alain… Étienne s’était toujours demandé si…
…
Cette question l’assaillait régulièrement, mais tout cela était si loin ! Quinze ans ! Depuis George et Etienne avaient fait leur vie, ils étaient tous deux mariés et étaient restés unis par une solide amitié. Etienne était le parrain de la fille aînée de Georges qui était celui du fils d’Etienne, ils se voyaient très souvent et par bonheur leurs épouses s’entendaient bien. Quant à Alain ils ne l’avaient plus jamais revu si ce n’est aux obsèques de Steve. Etrange. Et Etienne était à nouveau saisi par cette question. Alain n’avait prévenu les secours qu’en fin de journée, plus de deux heures après l’accident, alors qu’il n’était qu’à quelques kilomètres de Moustiers-Sainte-Marie. Il avait prétexté un malaise. Peu plausible. Avec beaucoup de chance Etienne et George avaient réussi à sortir Steve de l’eau et il vivait encore, si les secours étaient arrivés une heure plus tôt ils auraient certainement pu le sauver.
Cette question lancinante taraudait Etienne depuis quinze ans, il savait que George se la posait aussi, mais aucun des deux n’avait jamais osé en parler : Et si Alain n’avait pas été victime d’un malaise comme il l’a prétendu ?
Et si Alain n’avait pas été victime d’un malaise ?
Étienne en était là de ses pensées lorsque son téléphone se mit à vibrer. C’était George.
– Salut George, je suis content que tu m’appelles, j’en ai bien besoin. Tu ne devineras jamais où je suis…
Il y eut un silence :
– C’est en rapport avec Steve ? C’est l’anniversaire aujourd’hui…
– Oui, tu as deviné, je suis au lac de Sainte-Croix.
– Ah. Sale souvenir… Je t’appelle parce que j’ai découvert un truc à propos d’Alain.
Le coeur d’Étienne s’accéléra.
– Mais encore…
– C’est ma petite fille qui l’a retrouvé. L’autre jour, en feuilletant de vieux albums photo avec elle, je suis tombé sur des photos de notre expédition et je lui ai expliqué que je n’avais plus du tout de nouvelles d’Alain. Avec un logiciel de reconnaissance faciale, elle a fait des recherches sur internet et elle a retrouvé sa trace en Nouvelle-Calédonie.
– En Nouvelle-Calédonie ? Qu’est-ce qu’il fait là-bas ?
– Il tient une grosse école nautique avec sa femme.
– Tiens, pourquoi partir si loin ?
– Peut-être parce que sa femme… c’est l’ex de Steve.
Etienne s’enferma dans un long silence.
– Alain qui a eu l’idée du plongeon ? Franchement, je ne m’en souviens pas… On était tous d’accord. George, on n’est pas en train de se faire un film, là ?
– Bon, peut-être, mais j’aimerais bien en avoir le cœur net. Dis-moi, Etienne, tu as déjà mangé du kangourou ? Il paraît que c’est très bon !
– Du kangourou ! Je ne vois pas le rapport…
– Il me vient une idée : que dirais-tu d’un petit voyage en Australie ?
– En Australie, mais… George…
– Oui ! ma sœur habite là-bas, à Alice Springs, en plein désert, et ça fait deux ans qu’elle me harcèle pour que j’aille la voir ! Juste 23 heures d’avion !!! (Rires) Un bon prétexte, non, pour aller tirer un peu cette affaire au clair ?
– Heu… ta sœur ?
– Oui, ma sœur, Lucile, tu la connais ! elle s’est mariée avec Sleeds !
– Oui, Lucile, mais Sleeds… je ne vois pas !
– Mais si ! Pierre-Luc, Pierre-Luc Sleeds, ils étaient tout le temps fourrés ensemble, ils faisaient tous les deux la fac d’anglais !
– Ah, si ! Je me souviens vaguement maintenant, un peu allumé, ce type, non ?
– D’après ce qu’a vu ma fille, Alain et Mélanie sont à Darwin, on pourrait leur faire une petite visite comme ça, l’air de rien ? Il paraît que le coin est infesté de crocodiles, on en trouve même dans les caniveaux ! Des crocodiles de mer ! C’est à deux ou trois heures d’avion d’Alice Springs, à moins que tu préfères un road trip dans le désert ?
– Pourquoi pas, après tout… C’est vrai que ça m’a toujours tenté d’aller faire un tour là-bas… aux antipodes !
– La meilleure période, c’est vers la fin du printemps, en novembre-décembre, dans 4 mois ! Après, il fait vraiment trop chaud. Alors, tu serais d’accord ?
– Hum… fit Etienne pensif, en regardant le lac et la rivière en dessous de lui. Oui ! je suis d’accord ! lâcha-t-il finalement avec enthousiasme : un vieux routard comme lui ne savait pas résister à l’appel du désert. … Et puis, j’ai vraiment envie d’en avoir le cœur net pour cette histoire de Steve. C’est d’accord !
Alors ils sont en Nouvelle Calédonie ou en Australie ?
Vu de la France c’est à côté, mais sur place ce n’est plus pareil !
Et pour écrire une suite cela change tout…
Mais tu as bien raison, Loki ! Mea maxima culpa et toutes mes excuses à Line pour avoir involontairement dérouté l’avion !!! En fait, et pour rétablir les faits, voici la suite de la discussion entre Etienne et George 🙂 :
– En Australie, ça alors ! se mit à penser Etienne. Mais… George… tu ne ma pas dit que ta fille avait vu sur Internet qu’Alain était en Nouvelle Calédonie… ?
– Ah bon ? s’étonna George, pourquoi t’ai-je dit Nouvelle-Calédonie ? Mais non ! Mais, non ! c’est bien en Australie qu’ils sont ! À Darwin, comme je viens de te le dire. Bon, mais tu es toujours d’accord pour le voyage ?
– Oui, oui, bien sûr ! En novembre, on a dit. Ne me dit pas maintenant que c’est en février !!!
– … …
Étienne et Georges prirent l’avion à l’aéroport Charles de Gaulle. Ils étaient émus, car se rendre de l’autre côté de la terre n’est pas chose courante. Georges avait été acheter les billets, le voyagiste l’avait averti que compte tenu des escales la durée du voyage serait d’environ 37 heures. Pour trouver les billets les moins chers, les deux jeunes gens avaient choisi la compagnie Émirates avec deux escales : une à Dubaï, la seconde à Sydney.
Darwin est la capitale du Territoire du Nord de l’Australie. C’est également la porte de l’immense parc national de Kakadu.
Éreintés, par ce long voyage et le décalage horaire ils passèrent une longue nuit dans l’hôtel qu’ils avaient réservé. Ils savaient que Alain tenait une grosse école nautique avec sa femme l’ex de Steve… Il serait toujours temps le lendemain de prospecter !
Au matin ils se rendirent à l’office de tourisme de Darwin, où on leur donna l’emplacement de l’école nautique.
Elle était fermée, pourtant la mer était calme et les conditions de navigation favorables.
Étienne mobilisant les quelques notions d’anglais qui lui restaient de sa scolarité, s’adressa au propriétaire d’un magasin d’accessoires pour bateaux qui jouxtait la base.
Il parvint à comprendre qu’Alain et sa compagne étaient partis, il y a deux semaines dans le parc national de Kakadu.
Par malchance pendant leur périple un immense incendie s’était déclenché et ils avaient péri carbonisés dans leur Jeep.
Alain ne pourrait plus leur donner d’explications…
Les deux amis étaient dépités. Tout ce long voyage pour tomber sur un bec. Et puis malgré les lourds soupçons qu’ils faisaient peser sur Alain, celui-ci avait quand même était leur ami et la nouvelle d’une disparition aussi affreuse les consternait. C’est Etienne qui prit le premier la parole :
Georges s’arrêta au milieu de sa phrase, un homme s’était arrêté tout près d’eux et les regardait en souriant, comme s’il souhaitait engager la conversation.
Attention Chamans ! Ton dernier commentaire interfère avec le mien…
@Loki Pour ma part, je vois dans le commentaire de Chamans un rebondissement inattendu mais cohérent qui non seulement relance l’histoire mais fait la jonction entre les opus 4 et 6. Merci Chamans !
Je propose que puisque les histoires sont maintenant réunies, nous continuions ici, sur l’opus 6. Lorsque cette histoire se dénouera, nous la publierons en page d’accueil après lissage des petites incohérences. Et bien sûr les commentaires d’explications – tel celui-ci – disparaîtront…
… un homme s’était arrêté tout près d’eux et les regardait en souriant, comme s’il souhaitait engager la conversation.
– Bonjour Messieurs, veuillez m’excuser d’interférer dans votre conversation. Je vous ai entendu parler français et il me semble que nous nous sommes déjà rencontrés. Cela aurait-il à voir avec mon ami Alain qui dirige cette école ?
– Absolument, nous étions étudiants ensemble. Nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps et nous espérions le revoir à l’occasion de ce voyage en Australie. On vient de nous apprendre qu’on est sans nouvelles de lui depuis l’incendie dans le parc de Kakadu où il était parti en excursion avec sa femme. C’est terrible et nous n’arrivons pas à croire à cette tragique nouvelle. Vous qui êtes son ami, en sauriez-vous plus ? Auriez-vous des nouvelles plus rassurantes ?
– J’ai l’impression de vous connaître ; j’étais aussi à l’Université d’Aix en Provence, à la même époque qu’ Alain ; ma femme aussi ; mais ça fait si longtemps qu’ on a du mal à se reconnaître!
Georges sursaute ; – Mais tu n’es pas Sleeds tout de même!
– Mais si, je suis Sleeds, en chair et en os! Je suis le mari de Lucile, ta sœur.
– çà alors, ne pas reconnaître son beau-frère!
– Je suis précisément venu jusqu’ici parce que je savais qu’Alain dirigeait une grande école de voile ; je corresponds avec lui par courriels mais il n’a pas répondu à mon dernier message, ni à mon appel téléphonique ; j’espérais qu’il m’aide à démêler une affaire mystérieuse qui m’est tombée dessus ; c’est un homme intelligent ; il s’intéresse à toutes les situations complexes ; il semble en avoir l’expérience. En plus c’est quelqu’un de très drôle, très agréable en compagnie.
Je ne peux pas croire qu’il soit disparu!
Cette histoire, et celle de l’Opus 4, trouveront leur fin dans la rubrique “Nouvelles” sous le titre “Gueules-de-loup“:
https://www.oasisdepoesie.org/textes-dauteurs/nouvelles/daisy/gueules-de-loup/
Merci à Line de son effort méritoire pour avoir fusionné ces 2 nouvelles à plusieurs mains assez échevelées et trouvé une conclusion qui laisse encore le lecteur en haleine et qui personnellement me plaît beaucoup !
Incroyable !
13 ans après, on vient peut-être de retrouver le corps d’Alain dans les Gorges du Verdon.
Une double identité, il se faisait appeler Jérôme ; mais est-ce bien lui ?
https://www.google.com/search?q=J%C3%A9r%C3%B4me+Della-Longa&rlz=1C1CHBF_frFR832FR832&sourceid=chrome&ie=UTF-8
Une vengeance tardive ? Et est-ce vraiment Alain qui était parti en Australie avec Mélanie, ou bien quelqu’un d’autre qui aurait pris son identité après l’avoir balancé dans le ravin ?
Comme quoi la fiction rejoint la réalité ! Ou est-ce l’inverse ?
Ah oui, extraordinaire fait divers, merci Hermano !
Mais pour compléter cette histoire à tiroirs, les cadavres carbonisés de Kakadu étaient-ils bien ceux de “Alain” et Mélanie ?
Il existe des cas de mystification supposée au sujet des criminels de guerre nazis. Par exemple en 1976 en Haute-Saône où Joachim Peiper, paisible retraité s’avéra être un artisan de la solution finale, bras droit d’Himmler et responsable de plusieurs massacres. On n’a jamais réussi à identifier formellement son cadavre carbonisé… (cf dossier long et documenté ici : https://www.estrepublicain.fr/societe/2021/07/11/meurtre-du-criminel-de-guerre-nazi-joachim-peiper-45-ans-de-mystere-en-plein-coeur-de-la-haute-saone ).
Merci Line pour le lien vers cet article passionnant.
Dans la même veine que tout cela, et en termes de littérature, je ne saurais que vous conseiller l’excellent prix Renaudot 2017 :
“La disparition de Josef Mengele“. Historique, romanesque, terrible, haletant.
https://www.franceculture.fr/oeuvre/la-disparition-de-josef-mengele