Elsa distingue à peine le chemin dans la maigre lueur d’une lune étroite. Les cris des oiseaux nocturnes transpercent la nuit épaisse et poisseuse. Le frôlement d’une aile de chauve-souris manque de la faire hurler. Bruissement des feuilles agitées par le vent, battements d’ailes, crissements, hululements, craquements s’entrechoquent dans sa tête et emballent son cœur.
Des cailloux pointus s’infiltrent dans ses sandales, elle perd l’équilibre en se tordant la cheville et se raccroche aux branchages qui bordent le chemin. Le passage devient de plus en plus étroit.
Elle commence à perdre espoir de retrouver la route qui mène au village.
Elle essuie son visage et sa nuque en sueur. Un liquide chaud et visqueux coule derrière son oreille, des images se bousculent dans sa tête…
… … …
(Commencé par Line)
Deux autres histoires à continuer
Suite à plusieurs mains – Opus 4
Suite à plusieurs mains – Opus 6
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Votre contribution se terminera par une phrase qui invite un autre participant à continuer le texte, par exemple par une phrase non achevée (c’est ainsi que… par ailleurs… de son côté… mais… lorsque… etc.).
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N.B. Après avoir lu, ne tardez pas à écrire et à poster votre suite pour éviter qu’un autre participant ait pris la place !
Ce ne serait pas trop grave cependant, nous vous faisons confiance
pour opérer quelques petits aménagements pour rendre le texte cohérent.
Dans l’obscurité la cause de cette douleur soudaine sur son crâne lui reste inconnue. Elsa est gagnée par la panique, ses idées s’entrechoquent et celles qui s’imposent ne sont pas les plus rassurantes, elle lutte pour revenir à un peu de rationalité, telle une nageuse épuisée qui se débat pour atteindre la rive, et tente de se rassurer. Cette histoire de chauves-souris qui se prennent dans les cheveux est totalement infondée. Elle n’a pas encore osé porter sa main sur sa nuque mais elle sait qu’une plaie a été ouverte dans son cuir chevelu. Elsa a peur. Une peur incontrôlable semblable à celle qu’elle éprouvait quand, encore petite fille, un monstre velu la poursuivait dans le noir, celui là même qui se cachait sous son lit. Mais aujourd’hui le sang qui atteint maintenant son cou est bien réel. Quand là devant elle …
Quand là , devant elle, surgit un être bizarre, une sorte de personnage mi-humain, mi animal ; il est vêtu de chiffons usés, troués, sales ; ses membres sont couverts de poils longs et noirs ; d’énormes griffes crochues, pointues terminent ses mains ; son visage maigre ressemble à la gueule d’un loup ; de longs cheveux noirs, poisseux, tombent sur son dos voûté.
Il marche avec difficultés ; un bâton lui sert de canne ; ses pieds flottent dans des bottines déchirées, tachées de boues et de saletés.
Devant cette soudaine apparition, Elsa recule ; tout son corps tremble.
Affaiblie, terrorisée,
L’homme, car c’est un homme, la regarde avec des yeux hagards. Il s’approche d’elle. Elsa voudrait hurler, mais l’effroi la paralyse.
Il va sauter sur elle. Ses énormes griffes crochues vont se planter dans sa gorge. Elle ferme les yeux, attendant une fin qu’elle sent inexorable.
Brusquement le monstre se met à genoux et lui enserre les jambes. Il se met à pleurer. Il murmure sanglotant : Martha.
Puis il se lève et s’enfuit en hurlant dans la forêt. Elsa pétrifiée, reste ainsi quelques minutes sans réagir.
Au bout de 20 minutes, elle est chez elle, étourdie, allongée sur son lit. La lune qui a brusquement fait son apparition lui a permis de retrouver le chemin du village.
Le lendemain elle va à la gendarmerie raconter son étrange rencontre. Le brigadier qu’elle connaît depuis bien longtemps semble au courant de la présence de cet individu dans les bois.
– Tu as rencontré Ivan Petrovitch. C’est un militaire qui s’est enfui il y a maintenant deux mois du centre médical qui s’occupe des militaires traumatisés par les différentes campagnes auxquelles ils ont participé. Ivan faisait partie des commandos spéciaux qui sont intervenus en Syrie, en Irak et dans le cadre de l’intervention Barkhane au Mali. Il vient de Serbie et s’est engagé dans la Légion étrangère. C’est un remarquable soldat, c’est la raison pour laquelle ses supérieurs l’ont choisi pour faire partie des commandos spéciaux.
Cela fait plus de six mois qu’il était traité dans le centre médical.
La guerre en a fait une véritable loque.
La gendarmerie le recherche pendant deux mois, en vain. Les autorités craignent qu’il s’en prenne à la
population. Dans les commandos on en a fait une véritable bête à tuer. Jamais les gendarmes n’ont pu l’attraper. Son expérience du terrain lui permet de survivre dans des conditions les plus difficiles.
Elsa qui, nous ne l’avons pas encore dit, est une jeune anthropologue récemment arrivée à Saint Laurent du Maroni en Guyane, considère soudain le brigadier avec beaucoup d’intérêt. Bien sûr, elle regrette de s’être aventurée ainsi dans la forêt équatoriale. Une folie bien imprudente qui a tourné en cauchemar, mais là… là… elle croit bien qu’elle vient de trouver le sujet de sa thèse de doctorat !
Elle a tout lu, tout sur la bête du Gévaudan, tout sur Victor de l’Aveyron et sur bien d’autres encore, tout sur les G.I. revenus fous du Vietnam, mais voilà une personnalité tellement unique malgré son aspect repoussant. Et pourquoi Martha ? Martha serait-elle le Docteur Livingstone d’Ivan Petrovitch !?
En pensant au Docteur Livingstone, cela la ramène à sa thèse de doctorat pour laquelle elle est sûre d’avoir trouvé le bon sujet. Elle ne pense même plus aux étranges griffures que l’homme lui a infligées, elle ne lui en veut pas, elle le considère maintenant comme un sujet de laboratoire.
Mais comment commencer ?
D’abord, elle décide de…
…
D’abord elle décide d’aller s’assoir à la terrasse d’un restaurant créole et y commande un bouillon d’awara, Elsa est affamée, émotions fortes, nouvelles perspectives pour sa thèse, la vie qui avait failli tourner au cauchemar lui sourit à nouveau. Elle ressent à la fois le besoin de se poser, de faire le point et de se sustenter solidement. Se sentant un appétit féroce elle prend également un Nassi et pour accompagner le tout un petit blanc californien, pas donné, mais l’heure n’est pas au barguinage et la composition du menu est vite arrêtée.
Elle doit trouver le moyen de retrouver cet Ivan Petrovitch et tenter de lui parler. Elle se doute bien que la partie n’est pas jouée d’avance et probablement dangereuse. La stratégie d’approche est difficile à trouver. Elle réfléchit. Décidément ce restau créole est une excellente adresse, même le vin est bon, plutôt rare sous ces latitudes. Jusqu’à récemment elle se demandait encore pourquoi elle avait accepté cette mission à Saint Laurent du Maroni. Le climat est difficile, le travail pénible et la solitude commençait à lui peser. Soudain un prénom ressurgit dans sa mémoire, presque violemment : Martha. C’est peut-être la piste à creuser. Elle va essayer d’en savoir plus auprès du personnel soignant du centre médical dont lui a parlé le brigadier, qu’elle reverra aussi, car par une étrange coïncidence il est du même village qu’elle, dans son Morvan regretté. A son arrivée et dès leur première rencontre ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, comme deux vieux amis.
Elsa s’apprête à féliciter le serveur pour la qualité du repas quand …
Elsa s’apprête à féliciter le serveur pour la qualité du repas quand elle aperçoit le brigadier. Elle le hèle, anxieuse et l’interroge :
– Avez-vous retrouvé Ivan Petrovicht ?
Le gendarme lève les bras, fataliste.
– Pas encore Elsa ! Cela sera difficile ! La jungle est épaisse et l’armée en a fait une bête à survivre. Après la Seconde Guerre mondiale, des soldats japonais ont vécu, en autarcie dans une île, pendant dix ans après l’armistice, ignorant que la guerre était finie.
Un peu sonnée, Elsa se sert, après le café, une petite rasade de vin californien. Il est vraiment très bon. Les vignerons français ont du souci à se faire !
Il faut absolument qu’elle retrouve Ivan. C’est une opportunité pour sa thèse et elle n’ose se l’avouer, elle a une attirance pour cet homme traumatisé par la vie.
Martha… La solution est là…
Oui… Martha… Il faut qu’elle comprenne le lien entre Ivan et Martha, et qu’elle trouve un moyen d’entrer en contact avec lui…
Alors qu’elle quitte le restaurant, un orage s’abat et lave la petite ville et la jungle alentour. Une odeur végétale monte de la forêt, puissante, alors que le soleil revient déjà tout sécher.
Une visite au centre d’où s’est échappé Ivan Petrovitch ne lui apprend rien. Le corps médical refuse de donner toute information personnelle sur ses patients mais elle insiste tellement qu’on consent à lui dire qu’aucune Martha ne figure dans le dossier d’Ivan.Martha et Ivan…
Elle tente la recherche d’un tel couple sur Internet. Bien sûr, il en existe plusieurs, dont certains assez étonnants, mais ce ne peut pas être eux. Quant aux sites de généalogie, ils fourmillent tellement d’Ivan(s) Petrovitch(s) que c’est peine perdue. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
Elsa a toujours aimé le Petit Prince de Saint-Exupéry, et les métaphores qui émaillent le roman sont parfois devenues pour elle des règles de vie, des réflexions qui l’aident beaucoup à se comporter dans la vie.
Elle s’identifie à l’aviateur en détresse au milieu du désert, un peu comme elle dans la jungle quelques jours plus tôt… Elle pense au renard… Oui ! Ivan est devenu ce renard et il faut qu’elle l’apprivoise. Pour comprendre. Et elle-même, elle doit devenir Martha. Mais tout cela n’est-il pas dangereux ?
Le lendemain, elle arrive à se procurer un bombe anti agression auprès du brigadier, en plaidant la crainte d’être surprise à nouveau par un inconnu mais sans révéler toutes ses intentions. Elle glisse la bombe dans un petit sac en tissu, retrouve dans la jungle proche l’endroit où Ivan lui a causé cette grande frayeur, et s’assoit là, sur un énorme tronc d’arbre couché au sol, sa main posée sur la bombe dans son sac.
Elle attend… Il est là. Tapi à quelques dizaines de mètres et la regarde sans bouger. Malgré l’absence de bruit, Elsa semble sentir une présence, mais elle reste calme, respire profondément et continue d’attendre. Rien ne se passe, elle pense qu’elle s’est peut-être trompée ; elle reviendra demain…. …
Toute la nuit Elsa a pensé à son attente dans la forêt. Elle a l’intime conviction qu’Ivan était non loin d’elle, mais qu’il n’osait pas s’approcher. Il fallait le mettre en confiance et « Martha » était la clé du problème. Elle avait été, par le passé, en vacances en Serbie avec ses parents, dans la famille de sa mère, chez un oncle.Dans ce petit village les jours de fête sa tante faisait un délicieux gâteau aux pommes et à la cannelle, un torta od jabuka i cimeta. Elle en sentait encore l’odeur délicieuse. Depuis elle en avait conservé la recette. Après avoir acheté les ingrédients dans une épicerie à Saint-Laurent-du-Maroni, elle se mit en demeure de réaliser le torta od jabuka i cimeta. Elle est inquiète, car c’est une véritable prouesse de réaliser ce gâteau à 8000 km de la Serbie, dans la moiteur de l’atmosphère guyanaise. La farine, les œufs, les pommes de ce pays d’Amérique du Sud permettront-ils de retrouver la saveur du torta od jabuka i cimeta de sa tante ? Quand on sait l’importance du coup de main et de la cuisson dans la pâtisserie, elle remercia le ciel quand elle sortit son « œuvre », elle reconnaissait cette bonne odeur de pommes et de cannelle. Muni encore de sa bombe anti agression, elle retourne dans la jungle proche l’endroit où Ivan lui a causé cette grande frayeur, et s’assoit là, comme la dernière fois sur un énorme tronc d’arbre couché au sol. Mais aujourd’hui elle est moins inquiète. Elle ouvre la boite contenant le torta od jabuka i cimeta. L’odeur du gâteau encore tiède s’élève, étrangère, au milieu des exhalaisons de la jungle tropicale. Au bout de trois minutes, le miracle se produit. Le personnage mi-humain, mi animal, toujours aussi tremblant sort de derrière un arbre, il est en pleurs et s’approche doucement. Elsa lui tend une part de gâteau, il s’en empare, en respire le parfum et plie lentement les genoux. Elsa pose sa main sur ses cheveux et caresse doucement la tête.La « bête » est domestiquée…
Bonjour à toutes, bonjour à tous !
Je vais tenter une conclusion pour cette histoire. Bien sûr, si cela vous amuse, vous pouvez tenter des conclusions alternatives.
Je vous y invite même pour le plaisir de découvrir d’autres imaginaires.
Par respect pour tous les participants, merci de garder ces éventuelles conclusions aussi plausibles que possible et de ne pas tourner l’ensemble du texte en dérision.
Il reste que l’on peut aussi tenter (mais cela paraît plus difficile étant donné le contexte beaucoup plus compliqué) une conclusion pour l’ensemble des Opus 4 et 6. De mon côté, je vais essayer de récapituler tous les éléments essentiels de ces deux histoires pour tenter d’en ficeler une conclusion, mais je ne promets rien !
Voici donc ma proposition de conclusion pour l’histoire d’Elsa et d’Ivan, initiée par Line :
Quelques années plus tard…
C’est le soir, Elsa et Ivan prennent le frais sur un banc devant leur boutique de pâtisserie sur la plus grande place de Punta Arenas, dans le sud du Chili. Beaucoup d’émigrés serbes et surtout croates ont rejoint ce bout du monde dès la fin du dix-neuvième siècle. Non, ce n’est pas la jungle tropicale que tous les deux ont connue en Guyane, surtout pendant l’hiver austral ! mais c’est le lieu qu’ils ont choisi pour tout oublier du monde d’avant.
Ils ne manquent pas de clients qui adorent toutes ces magnifiques “tortas” qui trônent dans la vitrine toutes plus extravagantes les unes que les autres, avec leurs multiples étages et leurs créneaux de crème fouettée. C’est la mode ici.
Elsa a ramené Ivan à la vie. Elle a su trouver le gâteau, puis les gestes, puis les mots qui ont réussi à lui rendre la raison et, après maintes péripéties administratives, militaires et médicales, Ivan Petrovitch lui fut enfin rendu, déclaré sain de corps et d’esprit et libre de tous ses mouvements.
Elle a abandonné l’idée de la thèse, elle se consacre maintenant à l’écriture d’un livre à la fois historique et romanesque sur les Mapuches, ces indiens spoliés du Chili. C’est surtout Ivan qui s’occupe de la boutique, mais elle n’hésite pas non plus à mettre la main à la pâte.
Février, c’est la fin de l’été, l’air est doux. Des couples, des familles passent dans leur promenade habituelle du soir. Un peu plus loin, sur la place, une fillette joue à la rayuela (la marelle). C’est leur fille, elle s’appelle Martha.