1 – Vous avez rendez-vous avec un ou une inconnu/e, une personne que vous n’avez jamais rencontrée…
Imaginez d’abord le personnage et la rencontre :
-
- Son prénom et son nom (si vous les connaissez déjà) :
… … … - Quand aura lieu cette rencontre :
… … … - Pourquoi allez-vous le ou la rencontrer :
… … … - Où cela se passera-t-il :
… … …
- Son prénom et son nom (si vous les connaissez déjà) :
2 – La rencontre a lieu.
Vous devez maintenant raconter cette rencontre. Dans votre récit, vous devrez :
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- Inclure des dialogues, mais pas seulement.
- Évoquer ou faire intervenir un ou plusieurs personnages parmi ceux qui vous sont proposés ici.
3 – À la fin de la rencontre, vous devrez décider avec votre interlocuteur de faire quelque chose d’extraordinaire.
4 – Publiez votre texte ci-dessous dans les commentaires.
Assise dans l’abside, devant la statue de Sainte Rita, j’attendais.
Agenouillée sur le prie-Dieu pour donner le change, j’attendais.
Déjà une demi-heure que j’étais là, le sacristain me jetait des airs suspicieux, mais qu’est-ce que mon rendez-vous foutait ? Ce n’était pas discret.
La lumière du soleil estival faisait jaillir les couleurs des vitraux. C’est alors qu’il m’apparut, baigné par les rayons bleus, blancs, rouges qui émanaient de la représentation du Christ en croix. Une aura extraordinaire émanait de cet homme grand, mince, sobrement vêtu d’un costume. C’était le sosie de Barack Obama.
Mon cœur battit à tout rompre, je croyais entendre ses battements résonner jusque sous la nef. Était-ce Julien Sorel ? Il vint s’agenouiller à mes côtés et me salua d’un discret signe de tête puis prononça le code secret convenu : Le Seigneur soit avec vous, ma sœur ». Il me glissa un missel. Je le remerciai et commençai à le feuilleter d’un air recueilli.
– Ce que vous cherchez est dans la couverture.
Je tâtai discrètement l’intérieur de la reliure. La toile du contreplat était légèrement renflée. Les plans ! Avant de mourir Albert a pu récupérer les plans de l’usine et c’est à moi qu’il confie le sabotage !
Julien posa la main sur mon avant-bras. J’étais électrisée, frissonnante de peur et d’excitation devant la mission qui m’incombait.
– Simone, dit-il doucement, je suis en retard parce que le Ché me suivait. Je crois que je l’ai semé mais il faut être prudente. Allez à la sacristie, un des nôtres vous attend. Il vous expliquera. Simone, la France a besoin de vous, vous serez notre nouvelle Marianne.
Puis il se glissa discrètement dans l’ombre. Je me signai. Le Ché ! Un collabo qu’on surnommait ainsi à cause de son béret étoilé et de ses longs cheveux bruns. Le plus redoutable des contre-espions à la solde de la dictature !
Dans la sacristie, le sacristain m’attendait en triturant son chapelet. Il me tendit une perruque blonde, un foulard et une affreuse robe noire.
– Mettez ça et prenez ce cabas. Une bicyclette vous attend devant la porte, vous êtes attendue à la bergerie de Vignaud.
Je sortis, enfourchai mon vélo de l’air le plus détaché possible. Je me forçai à pédaler calmement puis j’accélérai comme une folle sitôt sortie du village.
À la bergerie, j’eus la surprise de retrouver Julien Sorel. Notre règle de sécurité disait pourtant que les maillons de la chaîne ne devaient jamais s’entrecroiser deux fois. Il me prit par la main et je découvris son merveilleux sourire.
– Il fallait que je vous revoie Simone. Nous avons encore un peu de temps avant la mission. La vie nous appelle, vous êtes d’accord ?
Je me contentai de serrer sa main plus fort.
Merci Line ton texte m’a replongé dans un genre que j’affectionne.
Après le rendez-vous digne d’un thriller de Line, j’ai rédigé sur le thème proposé un autre texte…
Sainte Rita priez pour nous !
Rendez-vous
Comme à mon habitude, j’étais dans une brasserie à côté de la fac.
Comme à mon habitude tout en jetant un coup d’œil sur mes cours, je mâchouillais mon sandwich-rillettes, en avalant de temps à autre une gorgée de café.
Aujourd’hui j’essayais d’introduire dans ma mémoire la liste des acides aminés.
Brusquement un homme s’assit sur la chaise en face de moi.
– Excusez-moi ! Je suis un peu en retard, je n’avais pas oublié que nous avions rendez-vous, mais à mon âge, vous savez, les réflexes sont un peu moins rapides.
Estomaqué, je ne savais que répondre. Finalement j’émis un timide « bonjour ».
L’homme m’était parfaitement inconnu, les cheveux blancs il devait avoir un peu plus de 80 ans. Il ressemblait terriblement à mon grand-père.
Je ne me souvenais pas d’avoir donné rendez-vous à quiconque.
Assis en face de moi il avait l’air parfaitement tranquille et assuré, persuadé qu’il avait bien rendez-vous avec moi. Au serveur qui passa à côté de nous il commanda une bière.
Il se trompe sûrement d’interlocuteur ! Je n’osais pas le détromper.
– Alors Pierre ! Comment vont tes études ? Accroche-toi, ton avenir en dépend !
Il sourit doucement.
– J’en sais quelque chose. Un sandwich-rillettes cela me rappelle ma jeunesse !
Se penchant sur mon cours.
– Les acides aminés je me suis toujours demandé à quoi cela m’avait servi !
– Et Isabelle, elle va bien ? – me dit-il en clignant de l’œil
J’étais complètement perturbé, Isabelle est ma copine depuis six mois. Comment cet homme le savait-il ?
Le serveur lui apporta sa bière, il mit le ticket dans sa poche.
Il plongea les lèvres dans le bock.
– Dire qu’à ton âge je n’aimais pas la bière, toi non plus, je pense… Mais on change dans la vie !
Il termina sa bière en silence puis se leva et sortit rapidement de la brasserie.
À part un timide « bonjour », je n’avais rien dit pendant cette apparition.
Je soupirai. Cet hurluberlu avait l’air bien convaincu d’avoir rendez-vous avec moi. C’est triste de vieillir. Ce n’est pas grave cela l’aura soulagé et me coûtera, seulement une bière…
****
J’eus du mal à émerger de mon rêve. Je me croyais chez moi, la chaleur oppressante et humide me replaça dans la réalité. J’étais allongé sur un lit dans un bungalow.
Le bruit d’un ventilateur me remit l’esprit en place. J’étais en Côte d’Ivoire. Dans une des habitations de l’ORSTOM.
L’ORSTOM où j’avais débuté ma carrière en étudiant les maladies du café.
Que faisais-je là ? Après quelques années de retraite et la mort de ma femme Isabelle, j’avais décidé de faire un pèlerinage en Côte d’Ivoire. Mes lointains successeurs avaient bien volontiers voulu m’accueillir.
J’étais, encore, à deux endroits à la fois, au Balto, une brasserie près de la faculté de Jussieu et dans la base de l’ORSTOM. Bien que j’aie pris la précaution de prendre de la quinine, j’étais sans doute victime d’une crise de paludisme.
Je m’étais souvent promis de retourner au Balto, mais je ne l’avais jamais fait pour ne pas abîmer mes souvenirs.
C’était impossible, mais j’avais réellement été au rendez-vous avec le jeune homme que j’étais à 20 ans.
En titubant, je me levai et je me versai un grand verre d’eau fraîche, d’une bouteille du réfrigérateur. Alors mes idées se remirent totalement en place.
J’avais été voir, par jeu, le sorcier du village voisin. Il m’avait demandé : veux-tu revivre un moment de ta jeunesse ?
Qui refuserait une telle proposition ?
J’étais sceptique, mais pour faire plaisir au sorcier j’avais accepté de boire l’affreuse mixture du vieil homme et je m’étais retiré dans mon bungalow.
Les choses étaient claires le breuvage m’avait assommé et donné des hallucinations.
Les choses redevenaient rationnelles…
Plongeant la main dans ma poche pour en tirer un mouchoir de façon à m’éponger le front, un papier tomba par terre.
Je le ramassai machinalement.
C’était une note du Balto, la date était : 6 mars 1960…
Bien entendu Line, je m’étais interdit de lire les textes déjà publiés avant de proposer le mien.
Le message disait « Rendez-vous le jour de votre anniversaire sous l’arche du pont à l’heure où les ombres sont courtes. Vous me reconnaîtrez, j’ai sensiblement le même âge que vous, j’aurai un bouquet à la main. C.».
Mais qui pouvait être l’auteur, ou plus vraisemblablement l’auteure de ce message ? Rien, bien sûr n’empêchait un homme de mon âge de se présenter avec un bouquet, mais j’avais le pressentiment qu’il s’agissait d’une femme, sans justification sérieuse cela me rassurait et j’avais décidé de me rendre à cet étrange rendez-vous. Comment cette femme, si tel était le cas, connaissait ma date de naissance et mon adresse ? Ce message m’était bien destiné, à moi, personnellement, le mystère était entier.
Il fallut que j’invente des prétextes largement aussi farfelus que le vrai motif pour écarter les déjeuners rituels des jours d’anniversaire car l’heure où l’ombre est la plus courte était environ 14h à l’heure d’été. Fallait-il avoir l’esprit assez tordu pour s’exprimer ainsi ? Voilà qui ne m’incitait guère à la sympathie envers cette mystérieuse personne à propos de laquelle j’échafaudais toutes sortes de préventions.
J’étais sous l’arche du pont à 14h précises et j’y étais seul. Tout à coup un « Bonjour ! » claqua dans mon dos. « Ne vous retournez pas tout de suite ». Je ne bougeais donc pas, pétrifié par la surprise et je dois bien l’avouer également par la peur et aucun son ne parvint à sortir de ma bouche. Ce long silence fut rompu par la voix. « Mon nom est Chamans, étonnant non ? ». Mon sang s’est figé. Mais comment cela était-il possible ? On m’avait piqué mon pseudo et ce ne pouvait être un hasard, très peu de personnes le connaissaient et parmi elles une seule savait mon vrai nom. Et ce n’était pas lui qui avait parlé dans mon dos, car finalement il s’agissait bien d’un homme. « Nous avons un certain nombre de choses à vous dire, vous pouvez vous retourner ». L’individu que je n’avais jamais vu portait un pauvre bouquet de fleurs des champs, sans doute cueillies au dernier moment et s’exprimait avec un fort accent américain. Coiffé d’un feutre aux larges bords et vêtu d’une longue gabardine grise il semblait sorti d’un polar des années 50. « Avant toute chose je dois vous présenter quelqu’un qui ne pouvait se permettre de prendre directement contact avec vous ». Je le suivis jusque sur le tablier de ce pont abandonné, interdit, où seulement s’aventuraient les enfants et les amoureux. Une longue et élégante silhouette se détachait sous le soleil, une silhouette qui ne m’était pas inconnue. Les doutes se levaient à mesure que j’avançais sur les pas de mon étrange guide. Non ! Je ne pouvais y croire, et pourtant lorsqu’il me tendit une main que je saisis je me rendis à l’évidence, c’était Barak Obama !
« Bonjour Chamans », « Bonjour Monsieur le président » balbutiai-je. « Appelez moi Barak, je ne suis plus président, en deux mots : je n’ai pas supporté longtemps le vide laissé par l’abandon de ma fonction et je suis devenu, ce qu’évidemment personne ne sait, un membre important de la CIA, qui pourrait se douter qu’un homme aussi médiatiquement exposé que moi puisse travailler pour les services secrets ?». Aucune parole ne me venait. « Chamans, il sera inutile de nier, nous vous suivons depuis longtemps et nous savons que vous êtes un agent au service de la Russie, vos publications sous l’apparence de petites nouvelles anodines sont codées ». « Mais … ». « Ne perdons pas de temps en d’inutiles dénégations, vous n’avez aucun choix et vous allez faire ce que l’on vous demande ». Barak Obama s’exprimait dans un français ferme et impeccable, à peine teinté d’accent. Il me prenait donc pour un agent secret hostile, je n’en revenais pas. J’étais sur un pont désaffecté en face d’une des personnalités les plus en vue de la planète, en compagnie d’une sorte de personnage de roman dont le nom était le pseudo que j’avais eu tant de mal à choisir pour signer mes petits exercices d’écriture. « Nous surveillons des dizaines de milliers de sites, ce qui nous a mis la puce à l’oreille c’est que vous avez emprunté le nom de code d’un de nos agents les plus importants en Europe, ici présent, vous avez voulu brouiller les pistes et c’est ce qui vous a perdu ». Sentant qu’il était inutile d’objecter quoique ce soit j’attendis la suite du discours. « Voilà vous allez maintenant passer à notre service et publier la nouvelle que voici, elle bien sûr destinée à fournir de fausses informations à tous vos lecteurs clandestins » et il me tendit une chemise contenant trois feuillets. « Je ne suis pas l’homme que vous croyez mais je publierai votre nouvelle sous ma signature, permettez moi cependant une question, pourquoi ce message ridicule avec le bouquet et les ombres courtes ? ». « Il fallait vous entraîner jusqu’ici en vous adressant un message peu ordinaire, avouez que sinon vous ne vous seriez pas déplacé ». J’étais abasourdi. « Il est temps de nous quitter Chamans, publiez cette nouvelle sans tarder, n’hésitez pas à évoquer cette rencontre, de toutes façons absolument personne ne vous croira ».
Mes deux interlocuteurs ayant disparus sous le pont, j’ouvris la chemise, le titre de la nouvelle : « Rencontre avec un inconnu ».
Chamans dés le début de ta nouvelle tu m’as “trumpé”
Je m’attendais à une histoire d’amour, bizarre ou inattendue, mais une histoire d’amour !
Une arche du pont est propice à une rencontre sentimentale.
Mais non ! Tu nous entraine dans une aventure “abracadabrantesque ” à laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir.
Décidément ce thème est riche en diverses variantes…
Dimanche soir, 22h50. Je viens de quitter mon hôtel et j’avance sur les trottoirs de la nuit madrilène : Gran vía, las Cibeles, Paseo del Prado, j’approche du musée du Prado. Encore beaucoup de monde dans les rues à cette heure tardive, c’est l’Espagne ! Me voilà Calle de Ruiz de Alarcón, une petite rue tranquille derrière le musée.
– Vous avez la somme ? me dit l’homme en espagnol.
– Oui.
– 3000, c’est bon, fait-il après avoir compté les billets.
Cela m’aura coûté 3000$ mais je vais passer des heures inoubliables !
– Vous avez votre appareil photo ?
– Oui, comme prévu, et j’ai réglé la sensibilité sur 1000 Asa.
– Parfait, suivez-moi.
Je m’aperçois qu’Ernesto Manega Sanchez, le jeune guide avec qui j’ai rendez-vous pour cette visite clandestine du Prado, porte un béret qui coiffe ses longs cheveux noirs. Je ne l’avais pas remarqué dans la pénombre, mais tout d’un coup, dans un rayon de lumière, je vois apparaître une étoile jaune, bien brillante au front de son béret.
– Mais… vous ressemblez vraiment au Che, je trouve… au Comandante…, fais-je, un peu interloqué.
– Taisez-vous et appelez-moi Ernesto. C’est tout ! me fait-il fermement à voix basse.
– Nous devons attendre les autres, ajoute-t-il.
– Les autres, mais quels autres ? Nous ne serons pas seuls tous les deux ?
– Non ! Taisez-vous ! continue-t-il à voix basse, toujours en espagnol.
J’aurais dû m’en douter, les passeurs tentent toujours d’optimiser le voyage. Un seul passager, ce n’est pas assez rentable. Et puis, il faut bien rémunérer les 15 veilleurs de nuit. Nous attendons, les minutes passent. Il est déjà 23h30 quand un grand noir, costume sombre, portant élégamment la cinquantaine, arrive, une jolie blonde à son bras, bientôt suivis d’un homme habillé tout en noir et coiffé d’un petit chapeau melon “very british”. Tous les trois pénètrent dans cet habitacle où Ernesto nous a conduits et qui jouxte le musée du Prado. On commence à être un peu serrés là-dedans.
– Nous attendons encore une personne, fait notre guide.
Tout cela lui fait tout de même dans les 15000 euros, me dis-je. Il aura gagné sa soirée.
Enfin, voilà, une jeune femme qui parait française car elle nous fait : “Hola, amigos, yo soy Marianne”, avec un accent qui ne laisse aucun doute. Elle s’excuse pour le retard. Marianne porte de longs cheveux blonds, elle est très mince et habillée d’une longue robe en lin, couleur paille.
Du coup, tout le monde se présente. L’homme noir et la blonde en robe blanche sont deux américains qui jouent à passer pour Obama et Marilyn : “Hey ! I am Barack and here is Marilyn !”
“Mais où suis-je tombé ?!” me dis-je in peto, de plus en plus étonné.
L’homme au chapeau melon n’est pas britannique, je me suis trompé. Il nous salue jovialement en français et avec son accent belge : “Bonsoir à tous, je suis René !”.
– Bueno, todos estamos, nous fait Ernesto en sourdine, ustedes tienen que callarse ahora.
Chacun a maintenant payé son écot à cet improbable passeur, et on comprend à son attitude qu’il faut rester silencieux. Il prend son téléphone portable et appelle : “Estamos listos, abre en seguida, pronto !” Une minute plus tard, une clé tourne dans la serrure, c’est un des veilleurs de nuit du Prado qui vient nous ouvrir la lourde porte métallique qui donne accès à un long couloir sombre. Il porte une cagoule.
– Todo bien, Ernesto ? fait le nouveau venu.
– Todo bien, répond Ernesto, avant de nous demander de nous déchausser.
Je me sens comme à la mosquée, dans un respect quasi religieux de ce lieu où nous devrons déambuler sans bruit une partie de la nuit…
– Ahora vamos !
Je ne doute pas qu’en cas d’incident, Ernesto s’éclipsera et qu’il nous laissera seul avec la police, comme il nous l’a d’ailleurs signifié à chacun lorsque nous avons négocié cette visite nocturne. Je suis inquiet et j’ai presque envie de donner la main à Barack pour m’aventurer à sa suite, mais je n’ose pas. Nous suivons ainsi notre homme pendant quelques minutes dans ce couloir puis dans une sorte de labyrinthe ; Ernesto ferme la marche.
Tout d’un coup, nous voilà tous les sept dans une salle immense où un seul tableau est éclairé. Magique ! Les Ménines de Diego Velasquez ! Ah ! pouvoir admirer ainsi ce chef d’œuvre dans un tel silence est quelque chose dont j’ai rêvé depuis si longtemps ! Quand j’avais conclu cette affaire par téléphone, Ernesto m’avait demandé quel tableau je souhaitais voir, un seul tableau auquel je tenais vraiment car bien sûr nous n’allions pas pouvoir visiter tout le musée et nous attarder sur chacune des oeuvres. Nous passons un bon quart d’heure à admirer le tableau dont je connais déjà par cœur tous les détails pour les avoir lus dans les livres d’art. Nous restons médusés, une expérience incroyable. Et ce silence…
Je donne mon appareil photo à notre guide et je lui demande d’immortaliser notre petit groupe devant l’œuvre de Velasquez.
Barack et sa Marilyn ont choisi les Maya, les deux Mayas, la “desnuda” et la “vestida”. Ernesto et son complice nous guident encore dans les couloirs où nous nous arrêtons trop furtivement devant d’autres grands maîtres. Et nous voilà dans la salle des Mayas, toujours aussi silencieux que possible.
– Oh ! font les deux américains assez bruyamment.
– Callense, por favor, o no sera posible seguir con la visita, leur intime Ernesto.
Cela tombe bien, car je souhaitais vraiment moi aussi voir ces deux tableaux de Goya que nous abordons dans l’ordre : d’abord la “vestida” enveloppée de dentelles, puis la “desnuda” dont la parfaite carnation me donne le frisson.
René, sans surprise, a souhaité voir un des principaux chefs-d’œuvre du Prado : “Le Jardin des Délices” de son quasi compatriote flamand, Jérôme Bosch. Nous nous attardons longuement dans la contemplation du triptyque. Impressionnant, foisonnant, délirant, je n’ai pas de mots. Une folle imagination où chaque motif porte un sens ; je m’attarde en particulier sur le couple enfermé dans sa bulle de verre. Ils sont sereins, comme isolés du tumulte du reste du monde. J’en ferai bien un avatar.
Nous continuons la visite en passant devant quelques Véronèse, des Ribera, des Murillo, des Fra Angelico sans presque nous arrêter : ils ne font pas partie du contrat.
Marianne a préféré les personnages distordus et aux teintes blafardes – grisâtres ou verdâtres – du Greco, qui sont encore plus impressionnants dans la pénombre qui règne dans cette salle. Elle est émerveillée devant ces corps qui n’en finissent pas de s’allonger sous le pinceau du peintre, dans ces scènes dont je sens qu’elles l’émeuvent et qu’elles renforcent des appétences mystiques. Elle reste fascinée et Ernesto est même obligé de la pousser hors de la salle.
– Se acabó la visita, fait-il.
Ceux qui comprennent l’espagnol chuchotent aux autres que la visite est terminé. Il est maintenant deux heures du matin. Le veilleur nous reconduit jusqu’au sas d’entrée où nous retrouvons nos chaussures. La iclé tourne de nouveau dans la porte qui communique avec le musée et Ernesto, après avoir jeté un coup d’œil aux alentours, nous permet enfin de sortir dans la rue. Son étoile jaune brille de nouveau sous les réverbères. Notre petit groupe avance sur le trottoir.
– Vous avez été parfaits, nous dit-il en espagnol. Si vous voulez, je peux vous proposer quelque chose, mais ce sera peut-être un peu plus cher…
Nous tardons tous à réagir tellement cette visite nous a tous comblés et transportés. Nous sommes encore envoûtés par ce périple nocturne dans ce lieu tellement chargé d’émotion, autant par les merveilles que nous avons pu voir que par le frisson qui n’a cessé de nous parcourir pendant plus de deux heures, de peur d’être repérés.
Au bout d’une bonne minute, je réalise qu’il s’agit d’une proposition d’Ernesto :
– Nous proposer quelque chose ?
– Oui, et même plusieurs choses. Ce que vous venez de vivre ici, vous pouvez aussi le revivre ailleurs si vous aimez les musées. J’ai des correspondants à New-York, à Saint-Pétersbourg, à Amsterdam et même ailleurs, conclut-il en espagnol.
Nous décidons alors tous de ne pas rester sur ce trottoir et d’aller parler de cela dans un bar du côté de la gare d’Atocha, en dégustant un de ces finos que j’adore.
Une heure après, le marché est conclu : dans six mois nous serons au Rijksmuseum pour admirer les fabuleux clairs-obscurs de Rembrandt.
https://leclairobscur.wordpress.com/tag/rembrandt/
Merci Hermano pour ce cours d’espagnol !
J’avais déjà visité ce musée, tu nous le fais voir d’une autre façon…
J’attends le Rijksmuseum (que j’ai également visité).
Peut-être un autre fois le Musée du Louvre, cela serait pas mal d’y rencontrer Belphégor !
Quelques coquilles
3000$–>3000 €
L’homme noir et la blonde en robe blanche sont deux américains
L’homme noir et la blonde en robe blanche sont deux Américains
qu’il nous laissera seul qu’il nous laissera seuls
chef d’œuvre chef-d’œuvre
quasi compatriote quasi-compatriote
la visite est terminé la visite est terminée
Line
Un Julien Sorel sous les traits d’Obama, un Che terrifiant, une église et une sacristie. Foulard, cabas et bicyclette, résistance, le décor est joliment planté mais Simone résistera-t-elle à l’amour ? Se méfier quand même de Julien Sorel…
Tu nous amènes dans un monde mythique, mythifié plutôt cat il a existé, un moment intriguant et malgré le contexte guerrier finalement plein de charme.
Loki
Très bien organisé ce rendez-vous avec soi-même, cette rencontre entre deux âges. Entre celui qui sait pour avoir vécu et celui qui ne peut envisager sa vieillesse. Il me semble qu’un homme âgé peut avoir envie de rencontrer le jeune homme qu’il fut ne serait-ce que pour lui dire « Fais gaffe quand même », alors que le jeune homme ne souhaite pas voir sa vieillesse que toutes façons il ignore. Mais tu nous mets d’emblée dans la peau du jeune homme, ce qui bien sûr nous déroute habilement, surtout si on ajoute la note du Balto qui établit le lien entre ces deux présents éloignés… Ah ! Le pouvoir des sorciers !
Hermano
J’ai beaucoup aimé cette visite nocturne et surréaliste de ce haut lieu de la culture européenne qu’est le Prado et, tu t’en doutes, le contexte hispanisant n’est pas pour me déplaire. De plus tes choix de peintures auraient été les miens. Sans être un spécialiste de cet art, loin de là, je tiens Velasquez comme un de ses plus grands génies et “Les Ménines” pour un tableau qui à lui seul mériterait le voyage en cette belle ville de Madrid, si séduisante et animée dans le sillage de la déjà historique Movida. Goya, Bosch et le Greco rivalisent bien sûr avec le grand maître.
Il y a du souffle dans cette nuit en compagnie de Barak, Marylin, René et Marianne à déambuler en ce musée à la richesse prestigieuse, sous la vigilante férule d’un “Che” à la clandestinité lucrative. Même si elles ne sont qu’apparences, ces présences ajoutent au mystère et à la grandeur des oeuvres.
Monsieur Nestor Fiari avait exercé la fonction d’ambassadeur de Belgique en Italie, aux États-Unis,
en Roumanie, au Congo, en Croatie, en Guinée Conakry. Pensionné, il habitait un appartement très
spacieux et lumineux près de la forêt de Soignes, à Bruxelles.
Passionné d’histoire, collectionneur d’œuvres d’art, son habitation était décorée de portraits, de sculptures, de peintures et d’objets ramenés de divers coins du monde.
Mécontent de son aide-ménagère, Nestor l’avait licenciée ; il avait affiché une annonce dans les magasins du quartier. Il désirait trouver « une personne honnête, dynamique, consciencieuse pour entretenir l’appartement ».
J’avais 18 ans ; j’avais laborieusement terminé mes études secondaires et réussi de justesse. Je répondis à l’annonce par téléphone.
J’arrivai chez monsieur Fiari un peu essoufflée parce que j’avais couru pour être à l’heure ; j’étais aussi un peu stressée ; c’était mon premier boulot ; je ne connaissais pas mon futur patron.
Je sortis de l’ascenseur ; je me trouvai face à un homme de plus de 2 mètres, très large, très robuste.
Son visage basané, un peu ridé ne me parut pas très accueillant ; il avait de petits yeux bruns malicieux, une moustache, un long nez ; il m’impressionnait.
– Mademoiselle Bertaux ?
– Oui, je suis Monique Bertaux ; je me présente pour l’entretien de votre appartement.
– Asseyez-vous !
Après quelques questions classiques, il me fit visiter les lieux ; sur un des murs du living figuraient
de grands portraits peints de ses ancêtres ; sur une autre paroi, je reconnus le pape PaulVI, John Kennedy, le président Reagan, Stravinski, Armstrong, Mitterrand, Thatcher, Barack Obama, Marilyn Monroe, René Magritte représentés par des photos en noir et blanc de très grandes dimensions
Monsieur Fiari me rapporta quelques anecdotes concernant ses ancêtres ; il s’arrêta pour me raconter sa rencontre animée avec le pape PaulVI, son déjeuner agréable avec John Kennedy.
Comme nous passions devant le portrait de Barack Obama, je sentis en moi une grande sympathie ; avec émotion, je lui souris et dis, avec enthousiasme, mon meilleur accent anglais, à voix basse,
– Hello, Barack !
Alors que Fiari, avec ses longues jambes, était déjà à l’autre bout de la pièce, je vis tout à coup Obama sortir du cadre de la photo et sauter sur le plancher du salon ; il se planta en face de moi avec un merveilleux sourire !
Nous rejoignîmes le maître de maison ; il n’eut pas l’air surpris ; ils se serrèrent la main cordialement.
Intimidée, impressionnée, je croyais rêver…
Les deux hommes échangèrent quelques mots en anglais.
Barack Obama me proposa de partir avec lui quelques mois, de visiter une partie de l’Amérique avec son avion privé.
J’acceptai immédiatement.
Le départ eut lieu dans une immense prairie, près de Waterloo.
Pilote adroit, expérimenté, homme aimable et amusant, ce fut une découverte extraordinaire :
nous visitâmes de jolis villages dans les campagnes du Kentucky où gambadaient d’élégants chevaux, et la grotte de Mammoth. Nous marchâmes le long des merveilleuses plages d’Alabama et assistâmes à un superbe envol de montgolfières.
La dernière partie du périple fut Hawaï, pays natal de mon guide. Il me montra Honolulu, sa ville de naissance ; nous parcourûmes la cité et ses alentours.
Je fus éblouie par les gratte-ciel géants et par les paysages extraordinaires ; avec grand plaisir, je nageai à Maui avec les tortues.
Ce voyage inattendu fut le plus beau de ma vie ; il eut une influence importante sur mes choix de vie ultérieurs.
On en fait de réjouissantes rencontres dans cet atelier en ligne. Un concours d’imagination souvent surréaliste, riche en images ! De l’action, de l’exotisme, des frissons, du mystère… quel régal !
Un inventif dialogue avec soi-même, des espions, des portraits qui sautent du cadre pour vous emmener en voyage, des visites de musée nocturnes qui nous transportent au coeur des tableaux. Je trouve qu’il y a là de quoi alimenter les scénarios de films fort distrayants. Le charisme de Barack Obama en fait souvent l’acteur principal mais le Ché n’est pas mal en méchant / inquiétant personnage.