Textes inspirés du tableau “Solitude” de Louis Auguste AUGUIN,

( Conservatoire des Landes de Gascogne) Sanguinet Juin 2024

(Sans se concerter les deux participants ont écrit ces textes)

(Lui)

Il entre dans le paysage, dans la fraîcheur du jour.

Clin d’œil à la surface de l’eau. Invitation.

La pierre endormie ouvre un œil. Sa blancheur, un écho à la barque fantôme, dérive.

Pour qui cette solitude, pour quoi ? Juste un apaisement. Moment suspendu, hors du temps, encadré par l’élégance des gardiens, tout vert déployé, branches en majesté. Royaume.

Viens, viens plonger avec moi, en moi dans cet été

où les brumes floutées d’émeraude

protègent et livrent leur secret.

Mp 

*

(Elle)

Dès que je le peux, je m’enfonce dans la forêt, petit Poucet heureux, empruntant des sentiers connus de moi seule, entre les genêts agressifs et les broussailles impénétrables.

Je rejoins mon refuge le long de la rivière dont les rives instables découragent les promeneurs et les pêcheurs. Au creux d’un méandre, je me suis construit un nid de lichens et d’aiguilles de pin, où je me love comme un animal blessé.

Adossée au vieux chêne qui bruisse au-dessus de moi, je lui parle à voix basse dans un langage que j’ai inventé pour nous, avec des mots qui cahotent une grave mélopée. Et l’arbre, parfois, me répond en lâchant une délicate pluie de feuilles que je froisse entre mes doigts en souriant.

Protégée par l’ombre fraîche, je plisse les yeux pour filtrer le monde et le flouter à ma mesure. Loin de tout, loin de lui surtout, je goûte ce moment à moi, rien qu’à moi.

Après avoir abandonné mes vêtements sur le sable, je me glisse, nue, dans l’onde bienfaisante du trou d’eau. Effleurée souvent par la tentation de m’y laisser couler, je flotte dans ce cocon de douceur liquide qui me lave de tout.

Quand il faut rentrer, la lumière brutale me fait regretter de ne pas m’être perdue.

Michèle

*

(Lui)

Tandis que la grenouille rumine sa nostalgie, la libellule m’invite chez elle. Je la suis.

Promesse de mystères où seuls quelques chants percutent ce moment suspendu. Entente.

La pierre endormie ouvre un œil. Lumière filtrée se pose sur son front. Sa blancheur résonne sur les sourcils de la rivière, sur les plis de sa peau. J’ose. Un pied, puis deux.

Eau miroitée où les regards s’entrecroisent et s’effacent aussitôt.

Ecrin d’émeraude où l’élégance des vigiles de la forêt, vert déployé, m’offre son royaume.

La libellule, elle, continue sa danse sinueuse, amoureuse, à la frontière des fleurs et des flux mouvants.

Libertine, enchanteresse.

Les brumes floutées d’émeraude dans leur langue me confient leur secret.

Mp