Atelier Villenave d’Ornon 25/ 09/2024
La scie
La scie, cela me fait penser aux bûcherons de la forêt
La brume se dissipait à peine
L’humidité se faisait ressentir.
Dans cette forêt en pente,
les bûcherons s’étaient dispersés
deux par arbre
sur cinquante mètres alentour
Chacun d’un côté du tronc
pour que l’arbre ne s’échappe pas.
La légende raconte que certains soirs de novembre,
la terre frémit,
les racines se soulèvent
et des silhouettes sombres de plus de cinq mètres se déplacent.
Les branches craquent
les corbeaux s’envolent,
les cris déchirent la nuit.
Même la lune cherche à se cacher.
Ici le règlement est strict :
commencer dès le matin
se mettre par deux
scier l’arbre
avant la nuit
Quand il tombe
de tout son long
quand le craquement frappe
la terre
un silence demeure
pendant plusieurs heures.
La forêt toute entière se met en veille,
en murmuration inaudible.
Les hommes alors repartent
sans parler
le cœur peut-être un peu blessé
Qui sait ?
**
Une scie au repos, c’est comme la crête des montagnes
Mouvement lent
en suspens
Trêve
la quête s’achève
Là-haut, plus haut
sur la crête
près des cimes
les roches
dures
veillent
Les cimes
s’élèvent
s’aiguisent
sévères
aiguës
fières
tendues
comme scie au repos.
*
Synthèse (trois phrases extraites des textes précédents)
L’humidité se fait ressentir
La petite n’était pas encore rouillée
même avec un règlement strict
elle déployait son jeu de lumière
Mouvements lents, en suspens, aériens
Les roches dures veillent sur elle.
**
Ce texte sur la scie me touche d’autant plus que l »algorithme l’a rapprochée de ma nouvelle
Mon arbre
Les arbres nous permettent de vivre et nous les tuons…
Bonjour Ophenix,
J’aime beaucoup le style de ce texte, les phrases courtes, les images de la forêt, des arbres, des bûcherons.
Ce passage m’a particulièrement touchée :
Quand il tombe
de tout son long
quand le craquement frappe
la terre
un silence demeure
pendant plusieurs heures.
La forêt toute entière se met en veille,
en murmuration inaudible.
Les hommes alors repartent
sans parler
le cœur peut-être un peu blessé
Qui sait ?
Bravo Ophenix, belle imagination et belle écriture !
J’ai particulièrement aimé l’atmsophère de la forêt et de ses bûcherons.
La scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie, la scie,… … …
Je ne résiste pas à l’envie de vous confier ce beau poème de Gabriela Mistral :
Trois arbres
Trois arbres tombés
sont restés au bord du sentier.
Oubliés du bûcheron, ils s’entretiennent,
fraternellement serrés, comme trois aveugles.
Le soleil couchant verse
son sang vif dans les troncs éclatés,
les vents emportent le parfum
de leur flanc ouvert.
L’un, tout tordu, tend un bras immense,
frissonnant de feuillage, vers l’autre
et ses blessures sont pareilles
à des yeux pleins de prière.
Le bûcheron les a oubliés.
La nuit viendra. Je resterai avec eux.
Je recueillerai dans mon cœur
leurs douces résines, elles me tiendront lieu de feu.
Muets, pressés les uns contre les autres,
que le jour nous trouve monceau de douleur**.
Gabriela Mistral (« Paysages de Patagonie, dans le recueil « Désolation » – 1922).