20 03 2020
En cette fin de journée Alex, boyard de Transylvanie, songea qu’était venu le temps d’honorer l’invitation du comte Dracula. Conviant son valet il mentionna la soirée future et ordonna qu’on lui taillât, tambour battant, l’épaisseur d’une imposante barbe. Le valet dans sa livrée prune s’exécuta. Le notable laissa sa fougueuse monture au demeurant fourbue de la matinée.Le cocher à la casquette emplumée harnacha les chevaux. Sur les voies environnantes, le dernier pigeon de la ville les accompagna.L’attelage glissait entre la feuille et le bourgeon, le printemps pointait le bout de son nez. Sur les chemins chaotiques et tortueux, le carrosse allait bon train en une harassante chevauchée tandis que le fouet claquait. On entama la pénétration d’une forêt profonde de conifères sombres, certainement le domaine du Diable et l’étendue de son territoire. D’énormes fossés, de gigantesques parois balisaient les bas-côtés, de faibles trouées filtraient une lune rousse allumant l’ultime clarté céleste. Dans un ciel de vents et de nuages menaçants, de vols de choucas tournoyants, la crènelure du monumental château apparut sur son piton rocheux.Très vite l’entrée de l’allée, un escalier abrupt de pierres sous une lanterne-lustre jaune faiblarde qui grinçait et semblait vouloir s’éteindre sous les assauts d’un vent brutal. Contournant les quelques marches, l’attèlement stoppa dans la nuit noire devant une minuscule porte en bois vieilli, épais, aux gonds énormes, avec de gigantesques bouches, qui s’ouvrit machinalement.Il emprunta un passage qui semblait secret, compte tenu que ce fut la seule issue.Des colonnes de marbre soutenaient le chambranle d’une minuscule entrée dans le fond peu éclairé de la galerie souterraine. Orange était le chapiteau de la dernière.Un courant d’air froid parcourait le seuil. Alex ajusta sa cape et sa toque de zibeline kangourou. Point d’église . Mais ce lieu-clos paisible à la lueur des chandelles, propice à la paix humide de l’habitant. De l’habitante. Lieu confiné où trônait un sarcophage de pierre au couvercle mobile constellé de crânes rubis.Celui du grand amour du comte, empli de poésie sous une voûte peinte azur enchassée de diamants. Alors, Dracula entra…..
Bonsoir Mondo,
Bienvenue et merci pour cette histoire d’horreur avec une fin si douce et touchante.
Qui aurait pu imaginer que le comte Dracula saurait ce qu’est l’amour et encore moins qu’il chérirait le corps de son grand amour avec tant de dévouement : le garder dans un “lieu confiné où trônait un sarcophage de pierre au couvercle mobile constellé de crânes rubis” et “empli de poésie sous une voûte peinte azur enchâssée de diamants“.
Tu m’as fait changer d’avis sur cette bête qui m’a toujours fait trembler à chaque fois que j’entendais son nom.
Le vocabulaire et la description méticuleuse des scènes s’intègrent très bien dans le contenu de l’histoire.
Très bien fait. Je t’en remercie.
Belle nuit,
Purana
P.S. Je serais ravie si tu collais une copie de ce texte sous la rubrique “Marelle de printemps”. Il serait dommage de ne pas le faire.