Atelier d’écriture à Villenave d’Ornon du 31 octobre 2018 – Texte de Maryline puis de Véronique
Je me souviens du pré derrière la maison. L’air bruissait d’insectes, les abeilles bourdonnaient sur les fleurs d’or. À l’ombre du grand figuier, Jade berçait le bébé. À côté, assise sur une couverture vert pâle, la petite chantonnait en empilant des anneaux de bois. Près de moi, les buissons s’agitaient en pépiant, mus par des colonies d’oiseaux invisibles. Perchées sur le toit, des colombes et des tourterelles roucoulaient et se pavanaient. Sur l’allée gravillonnée, une colonie de fourmis zigzaguait parmi les mauvaises herbes en portant des miettes ou des graines sur leur dos. La nature semblait s’être donné rendez-vous pour jouer la symphonie de la vie.
Et moi, le dos au mur contre le crépi râpeux, à l’ombre de la maison, je regardais cet immense tapis vert où jouaient mes cartes maîtresses : Jade et ses yeux verts profonds comme des lacs, la petite fraîche et vive comme une source de montagne, le bébé à la douceur de pêche.
Et moi, le dos au mur contre le crépi râpeux, je savais qu’une vague monstrueuse allait s’étendre sur le pré, la maison, le village, notre pays. Et qu’elle frapperait durement. Je voyais déjà les lames vert-de-gris faucher aveuglément d’innocentes victimes et engloutir le monde que j’aimais.
Dans la touffeur du mois d’août, le tocsin sonna.
Texte prolongé par Véronique
Tournant, hurlant, battant la campagne,
Arrachant tout sur son passage,
La main verte s’était emparée de Jade,
De ses immenses yeux couleur lagon
Qui n’y voyaient plus, engloutis sous des murs de débris.
Les lames vertes
Avaient avalé notre maison.
Le toit, les murs, effondrés,
Les oiseaux, envolés,
Et personne n’avait rien pu y faire.
Un tsunami vert
Avait emporté toute vie…
Et le bébé,
Celui dont je ne prononcerai plus jamais le nom,
Le bébé… aussi.
Un tsunami vert
S’était déchaîné ce jour-là,
Contre tout le monde,
Mais pas contre moi.
Un univers… vert !
Un écriture tout en souplesse qui nous trace un monde buccolique qui bascule soudain dans une verdeur inquiétante.
Le poème, fort bien tourné, poursuit l’évocation d’une manière à la fois plus légère et plus atroce.
Merci à toutes les deux, et merci aussi à Purana pour son excellente analyse que je ne peux qu’approuver !
Bref, j’ai tout aimé !