Atelier d’écriture du 26 septembre 2018 à Villenave d’Ornon.
Retrouvez les consignes de cet atelier d’écriture ici : https://www.oasisdepoesie.org/forums/topic/en-ville-2/
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Il avait plu dans la nuit et, sur les trottoirs sales qui longeaient le port, des flaques restaient, où surnageait un peu de gasoil qui irisait ces surfaces d’eau plate. Les frangipaniers, à l’odeur pourtant si délicate, peinaient à lutter contre une sorte de pestilence.
J’avais garé mon pickup au quatrième étage du parking, juste en face de la banque des Pays-Bas, à côté de l’aquarium dont les vitrines donnaient sur la rue et où l’on pouvait voir des tortues géantes.
Dans la rue, un immense embouteillage avait déclenché comme d’habitude un concert de klaxons qui n’en finissait plus. Des livreurs de pizzas en Vespa se faufilaient entre les voitures immobilisées, pendant qu’un agent de police impuissant essayait en vain de mettre de l’ordre.
Il faisait une chaleur étouffante et l’odeur du bitume se mêlait à celle de la mer toute proche. Des marins s’interpelaient sur le port, à demi enveloppés par la fumée d’un bateau en partance vers le large.
Alors que j’approchais du marché aux poissons, la cloche de la cathédrale se mit à sonner. Une seule cloche, lugubre comme un glas, ou peut-être était-ce un tocsin ? Peut-être le feu, quelque part ?
Tout le monde sortait sur les trottoirs : le coiffeur et même ses clients, dont l’un était à moitié rasé, le tôlier quittait son garage le marteau à la main, la fleuriste cessait d’arroser les fleurs de sa devanture, une femme avec une poussette s’arrêtait aussi, et tous se mirent à guetter le ciel, un ciel où les beaux cumulus du matin avaient laissé place à la noirceur de l’orage qui s’annonçait.
Que se passait-il ?
Vous pouvez continuer l’histoire… dans les commentaires, par exemple.
Amsterdamère
Une autre année, une autre fois, dans une autre ville, je vis au détour d’une rue une enseigne brandie par une statue qui, comme la justice, tenait dans l’autre main une balance. Il était écrit : “Groupe de parole”.
L’endroit paraissait aussi louche qu’une vieille maison de passe. Je me hasardais à pousser la porte et m’engageais dans une zone d’ombre au sol de matière plastique, une forte odeur de soufre emplissait mes poumons. Un tapis persan se déroulait jusqu’à une porte gris-rouge, très mystérieuse.
Là, un homme me fit : “Le groupe de parole a commencé, vous ne pouvez pas entrer. Mais pour quinze florins, vous pouvez observer la séance au travers d’une glace sans tain”. J’acceptai.
Il me conduisit alors dans la pièce d’à côté où, dans le noir, deux femmes qui semblaient se connaître observaient déjà le groupe de parole qui était composé de sept personnes. L’une d’elles, une femme, finit d’écrire et posa son stylo, avant de lire à haute voix cette phrase qui me laissa vraiment perplexe : “L’amère rupture, à travers l’oubli des liens affectifs, de la naissance à la mort, de toi à moi“.
Elle lisait, et en même temps ses yeux étaient rivés sur un homme en face d’elle. L’animateur du groupe demanda alors à l’homme : “Jacques, je vous propose maintenant de vous lever et de réagir spontanément, sans réfléchir davantage, aux propos de Mireille”. La femme s’appelait donc Mireille.
L’homme qu’il avait appelé Jacques se leva, l’air un peu inquiet, et fit : “Le drame de la séparation et du combat intérieur, la lutte des choix, puis le silence, de la connivence à la rupture volontaire”.
- Éclairant, très éclairant, fit le maître de la séance. Méditez, Mireille, méditez cette réponse.
Merci à Lucette de m’avoir fourni ces deux phrases (un peu énigmatiques et pas si faciles) à intégrer dans mon texte, mais qui m’ont donné cette idée de groupe de parole :
– “L’amère rupture, à travers l’oubli des liens affectifs, de la naissance à la mort, de toi à moi.”
– “Le drame de la séparation et du combat intérieur, la lutte des choix, puis le silence, de la connivence à la rupture volontaire”
Merci à Marie-Paule de m’avoir soufflé le nom de la ville ! Amsterdamère !
Mais quelle imagination vous avez !
À vous trois, vous devriez écrire un livre ! Un roman !
Hermano, il ne tient qu’à toi de collaborer aussi à la suite de cette histoire !
Merci à toi, Janam ; merci à vous trois.
Je continue…
À méditer :
La séparation n’est pas toujours une question de choix volontaire
Mireille se leva doucement, les yeux baissés puis, tandis qu’elle regardait Jacques, c’était comme si elle ne regardait rien ni qui que ce soit en particulier.
Elle commença à marcher, regardant maintenant constamment vers le bas; mais marcher vers où ?
Elle semblait n’avoir aucun but. Ses lèvres pendantes exprimaient une sorte de moue légère avec un petit frémissement.
Elle continua de marcher les bras croisés comme un fantôme dans un film au ralenti, puis elle ouvrit la porte qui craquait. Personne ne bougea ni ne prononça le moindre mot. Tous les yeux suivirent son corps courbé qui, tel un automate, se dirigeait vers la porte.
“Oh, mon Dieu, elle va s’évanouir !” ; j’ai pensé. “Mais pourquoi personne ne vient à son secours ?”.
Puis, tout à coup, je me suis retrouvée dans le couloir. Je lui ai offert mon bras alors qu’elle sortait de la pièce adjacente à l’endroit où je la surveillais par la fenêtre. Elle accepta mon soutien et me regarda dans les yeux.
Une néerlandaise si petite ; je ne savais pas que cela existait. Les larmes aux yeux, elle murmura doucement : ils ne comprennent rien. La rupture était amère parce qu’elle n’était pas volontaire. Il n’y avait pas de lutte intérieure non plus, simplement parce qu’il n’y avait rien à choisir.
Mon marin est parti à moitié enveloppé par la fumée du navire qui se dirigeait vers la mer depuis le port d’Amsterdam. Le navire n’est jamais revenu.
Purana
Merci, Purana d’avoir continué mon texte, et de nous en avoir dit davantage sur ce personnage !
Oui, on pourrait ainsi prolonger cette histoire, pour l’instant très “amère” pour lui trouver d’autres prologements inattendus.
Une histoire d’amour entre Mireille et un des “voyeurs”, par exemple ?
ou bien, le voyeur se rend compte que Mireille n’est autre que sa propre mère !?
ou encore quelque chose d’autre, issu de votre imagination fertile !
A vos plumes, donc !