Mon cerveau est comme un grillage à poules, il en retient des souvenirs et il en oublie !
Méfiance ! Il faut se méfier, arrêter de désherber ses cinq ans et se souvenir de tout, garder tous les brins d’herbes dont je suis fait : le sang, les défis enfantins, les corvées, …
La pendule du temps s’agite.
Elle se balance et balance tout au travers de ce grillage, toutes les émotions, bien sûr, que je veux garder intactes pour continuer à y tremper ma madeleine de Proust, et aussi cette sœur Marie-Alphonse au visage radieux entouré de la cornette plissée et amidonnée qui m’empêchait de l’embrasser chaque fois que, sur mon front, elle avait ajouté quelques points de suture.
Que de points de suture, que de drôles de souvenirs bouillent encore dans la marmite en grillage à poules qui me sert à penser ? Et pourquoi diable un paisible matin d’été reste-t-il encore tâché de sang ?
Christian
Réponse « étonnée » et « opposée ».
Je n’arrive pas à comprendre qu’à chaque réunion familiale tu nous sortes l’histoire de ce coq qui t’a piqué.
Les gens n’osent pas te le dire, mais moi, je dois être claire avec toi : avec toutes tes qualités, tout ton bagage, tu nous dis pile avant le dessert que ton cerveau est comme un grillage à poules !
Et quoi encore ? Que tu perds la mémoire ? Ça, c’est nouveau ! Si tu regardais moins la télé jusqu’à deux heures du mat, tu pourrais à la place dormir et récupérer afin de mieux faire fonctionner ta mémoire !
Pourquoi cette méfiance ? Il n’y a pas que toi qui a pu avoir de mauvais souvenirs, tu sais. Tous les enfants gardent du bon et du mauvais. Arrête de te plaindre enfin, grandis un peu…
Le temps, ce n’est pas toi qui va l’arrêter, à force de regarder la pendule et le calendrier, tu ne vois rien d’autre autour de toi ! Tu veux tout maîtriser, tu sais bien que cela n’est pas possible. Il faut sortir de la toute-puissance : lâche, il est temps de lâcher !
Même petit, quand tu as voulu embrasser la sœur Marie-Alphonse, il y a un truc qui t’a empêché de le faire.
Essaie à partir de maintenant de trouver qu’un paisible matin d’été à la campagne peut aussi s’imprégner du chant des oiseaux et du parfum des fleurs… et si à cela tu rajoutes le bleu azur du ciel et la neige au loin dans la montagne, tu verras que le paradis n’est pas si loin que ça.
Mercedes
Merci Mercedes ! Je pars au Japon ! 🙂
Christian
Ecrit lors de l’atelier d’écriture “Mémoire des petites choses“…
Texte de départ :
Dans cette très vieille maison, il n’y a pas de toilettes, elles sont au fond du jardin à une vingtaine de mètres, ce jardin qu’il faut traverser, ce jardin où poussent des choux, quelques radis et aussi de beaux arums que l’on porte parfois à l’église, ce jardin que ma grand-mère m’oblige régulièrement à désherber, une vraie corvée pour mes cinq ans !
Au fond du jardin, un grand poulailler qu’à mon âge je trouve vraiment immense, entouré d’un grillage à poules, poules qui chaque jour nous pondent quelques œufs.
C’est un matin d’été et, comme tous les matins, j’accompagne ma grand-mère pour aller les nourrir.
Oh ! mais ce matin le coq s’est échappé ! Un gros coq blanc avec sa crête bien rouge ! Il trône là, au milieu de l’allée, bien campé sur ses deux pattes, comme s’il voulait nous barrer le passage et protéger sa basse-cour. Il fait presque la moitié de ma taille. J’avance, en culottes courtes, en tenant la main de Victorine, ma grand-mère. Elle est habituée à ce genre de volatile et, en bonne paysanne, elle sait qu’il faut se méfier. Et, au moment où nous passons à côté de lui, le grand coq avise mon jeune mollet tout blanc tout rose et y plante un bon coup de bec !
Émotion ! Bien sûr, j’ai mal et je pleure, ça saigne ! Ma grand-mère chasse le volatile vers la basse-cour à grands coups de bâton avant de revenir vers moi.
Nous revenons vers la maison, on me soigne avec les moyens du bord, probablement un peu d’eau de vie et du mercure au chrome. Mais ma grand-mère et mes parents sont inquiets : c’est l’époque où l’on vaccine pour tout et à tout va ! Mon Dieu ! Le tétanos me guette !
Vite ! Vite ! Nous allons à l’hôpital des enfants tout proche où sœur Marie-Alphonse va s’occuper de moi. Une spécialiste des piqûres et des points de suture, sœur Marie-Alphonse !
Je serai sauvé, quant au coq je ne me souviens pas s’il a fini en sauce mais pendant des années je me suis toujours tenu loin des grands coqs blancs à crête rouge.
J’avoue que j’ai eu du mal à intégrer le processus de l’atelier.
Ceci étant posé j’ai été interloqué par la transformation du texte initial que j’aimais bien, en une réécriture où apparaît un nouveau concept « le grillage à poules ». Concept psychologique ou concept littéraire ? Je trouve audacieux, le passage du coq à celui de du cerveau assimilé à « un grillage à poule » ! Le cerveau, un grillage certes, mais pourquoi à poules ? Pour faire la liaison avec le coq ?
Je comprends mieux le texte de Mercedes qui s’insurge contre « le grillage à poules », obsession mentale.
Je suis tout à fait d’accord avec Loki. Je n’aurais pas pu faire mieux.
Il en va de même pour la partie écrite par Mercedes qui semble sincèrement irritée par « l’histoire de ce coq ».
Et oui, moi aussi, j’ai bien aimé le texte initial.
Merci beaucoup Loki et Purana pour avoir lu et commenté, et désolé de vous avoir plongés dans cette perplexité.
J’aimerais tellement pouvoir vous expliquer le processus, mais je n’y arrive pas. Tant pis !