Atelier « les questions de Neruda » du 19 décembre 2018
Réponse de Denyse
Ou bien en sommes-nous à tenter un voyage ?
Un aller sans retour
sans pensée sans encombre,
juste l’enchaînement
des jours avec les nuits,
au fil des mois sans heures,
des soleils de minuit
en aurores boréales
Sur un banc accroché à la paroi des sons
Sur un banc tout repeint
des odeurs d’un automne endormi
qui s’étend tel un rêve éveillé et me va comme un gant.
Réponse de Christian
Oui, quelquefois…
Cela me rappelle aussitôt notre enfance, cette saison perdue, et le banc des illustrés, ce présentoir chez le buraliste où l’on rêvait devant tous ces illustrés à 1 franc, qui contenaient tant d’aventures : les Buck John, les Blek le Roc, les Tex Tone, les Pim Pam Poum et les Pieds nickelés !
Oui, cela se passait là : nos premières passions pour ces histoires romanesques, avant nos lectures d’adolescents romantiques. Des univers bourrés d’exotisme et d’encre baveuse nous attendaient là, sur le banc des illustrés.
Là aussi, sur ce banc, nos premiers chapardages à l’étalage : la bande dessinée petit format cachée sous le pull, si près du cœur qui battait à cent cinquante à l’heure, ou plutôt à la minute.
La saison perdue du banc illustré passe comme cela dans ma mémoire.
Réponse de Marie-Aurélie
Il se peut que n’importe quel banc fasse l’affaire, que n’importe quelle affaire fasse le banc.
Celui des accusés. Celui des amoureux.
Le discours du fiancé, le plaidoyer du procureur.
Aucune saison perdue ou retrouvée n’ajournera la sentence, ignorant les chants du cœur.
Béton et fer forgé au tronc de l’arbre couché.
Sous les orages d’été ou les soleils blancs des jours glacés
Nul n’ignore les murmures, pas même les sourds ou les muets.
Alors, cela se passe, inéluctablement, bouleversant tout sur son passage sans n’y laisser aucune trace.
Conservés par les neiges éternelles, écrits dans les fossiles laissés au cœur du monde. Un vestige, un souffle, un ridicule incontournable gravé sur le dossier d’un banc
au temps d’une saison perdue.
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@ Denyse
Une réflexion plutôt résignée qui dit tout et qui est résumée dans les deux premiers vers, suivie des observations mises en évidence dans ce qui suit.
Le texte donne l’impression d’avoir été écrit sans efforts ; comme si les mots étaient déjà en attente avant d’être enfin libérés. Très bien !
@ Christian
L’enfance, cette saison perdue …
Tu l’as très bien dit. Quelle métaphore parfaite !
Et pourtant, la différence entre les saisons de l’année et celles de la vie, c’est peut-être que les premières sont perpétuelles alors que les saisons de la vie, une fois perdues, sont perdues à jamais ; les en tout cas, pour un individu à un moment donné.
@ Marie-Aurélie
Oui, il se pourrait que les saisons de la vie, comme celles de l’année, soient perpétuelles. Après tout, il y a plus de preuves pour que contre ce concept.
Tes pensées sont comme un écho à celles d’Omar Khayam et de nombreuses personnes qui allaient et venaient avant et après lui. Merci à toi.
Quand mon âme pure et la tienne auront quitté notre corps,
On placera une brique sous notre tête.
Et, un jour,
Un briquetier pétrira tes cendres et les miennes.
Omar Khayyam ; 1048 à Nichapur en Perse (actuel Iran) – 1131