Atelier du 27 novembre, Villenave d’Ornon
Bonjour mon cher papa,
Non, je ne suis pas allé plus loin que Mérignac, mais regarde ce gentil petit village, cette église aux tuiles usées par les ans. Et quel calme ! Quelle paix dans cet après-midi d’été sous le chaud soleil d’été et sous cet azur si bleu.
Quel contraste avec le vert des peupliers et, avec cette immobilité de toutes les choses, on se croirait presque dans un tableau d’Edward Hopper, tu ne trouves pas ?
Je pense à toi, papa, toi qui comme sur cette image, habites au treizième étage, toi qui, comme sur cette photo possèdes cette si vieille 4L beige. Oui, ici aussi fleurissent les buildings, je crois même qu’ils poussent comme des champignons qu’on ne saurait cueillir. Mais il faut bien loger tout le monde ! Ah ! Mérignac, ses espaces où l’on s’abîme ! En hauteurs, en largeurs et en profondeurs ! Vraiment une ville à découvrir !
Finalement, je ne regrette pas cette vilaine et insupportable grève des trains qui m’a fait échouer jusques ici.
Je t’embrasse, mon papa, et je reviens dès que possible à Lormont.
Ton fils.
Christian
Réponse de Lucette à la lettre de Christian
Mais mon fils, tu ne connais pas l’envers du décor, moi qui connais bien ce lieu, ce gentil petit village abrite un sacré meurtrier à la lame acérée. Du 13e étage il a su dévaler les escaliers à toute vitesse pour s’engouffrer dans la cuisine d’une vieille retraitée aux cheveux frisés, la mère Camille, qui faisait de très bonnes omelettes aux œufs des poules de sa sœur de Lormont. En fait, nous ne regrettons pas ce meurtre mais les œufs de Camille aux lardons et champignons poussés sous le compost des peupliers du jardin public.
Çà, c’est l’envers du décor. Trouve-toi vite un emploi en Floride, quitte ce lieu maudit. Il parait que là-bas dès le printemps chantent les chouettes. Et puis tu trouveras une agence, même si c’est loin de ton paternel. Va, mon fils, dans ce pays les trains roulent dans le bon sens. Va Edward, loin des meurtriers sans honte et sans pudeur, où même entre couvents et buildings on ne décapite pas les vieilles bonnes cuisinières d’omelettes.
Imagine du sang dégoulinant sur les escaliers jusque dans les œufs battus de l’omelette, cela te donnera le courage de connaitre d’autres terres accueillantes.
Charles, ton papa.
Finalement, ces textes sont plus amusants à lire qu’à écouter. On prend le temps de les savourer.
Merci, Niaoulix, d’avoir pris la peine de lire.
C’est vrai que, pendant l’atelier, on est souvent centré sur son propre texte et sur son univers, et qu’il est souvent agréable de pouvoir redécouvrir tranquillement les écrits des autres où se terrent parfois des pépites qui nous ont échappé.
D’une certaine manière, je trouve le jeu de cet atelier plutôt cruel.
Maintes et maintes fois, au moment où je commence à avoir envie d’être dans un certain endroit rêvé tel que perçu par l’un, la réponse du deuxième auteur me donne envie d’en fuir le plus vite possible.
Je vous offre donc à tous les deux mes sincères compliments pour avoir réussi à me faire un croyant et puis un mécréant si rapidement.
Les deux textes sont bien écrits et convaincants.
Bravissimo !