Texte écrit à quatre mains lors de l’atelier Noir et Blanc du 30 mars 2022 à Villenave (auteurs Martine et Maryline)
Texte de Martine
Elle dort ou a l’air de dormir, moi je n’y crois pas à ce repos imaginaire. Comment dormir crispée de cette manière? Comment peut-elle dormir dans cette position qui sollicite les muscles du bras, des doigts et la main crispée sur la statue ?????
Le blanc du visage contraste avec le noir de la statue, les cheveux de la femme sont lisses, ceux de la statue très travaillés, c’est de la tristesse que je ressens en regardant cette photo, une grande tristesse profonde, presque les larmes aux yeux.
Les ombres aussi, j’aurais pu regarder les ombres sur la photo, éclairage de gauche à droite et depuis l’arrière. triste, triste, triste…
D’ailleurs je m’arrête là!
Je ne suis pas venue pour pleurer!
Suite de Maryline (inspirée par la photo de la petite fille dans l’herbe)
Non, je ne suis pas venue pour pleurer mais je me souviens de cette femme lorsqu’elle était enfant. Elle n’imaginait sûrement pas qu’elle allait devenir cette icône figée et sophistiquée, adulée mais réduite à l’état de statue aveugle et silencieuse.
Se souvient-elle encore de ses rêves d’enfant lorsqu’elle courait librement dans les près, loin des Champs-Élysées où le Tout-Paris observe et l’observe dans un éternel concours d’élégance ?
Se souvient-elle encore de qui elle est derrière son masque de céruse ourlé de rouge ? À fréquenter des divinités, croit-elle en être devenue une?
Elle ouvre enfin les yeux, me dévisage sans me reconnaître. Nous sommes désormais d’un autre monde, je retiens mes larmes.
Je vous admire toutes les deux pour vos imaginations débordantes.
Martine, je suis surtout ébahie par ta capacité à exprimer ce qui te passe par la tête en regardant cette image. J’aime tes phrases naturelles non forcées.
Maryline, j’aime beaucoup cette 2eme partie qui redonne vie à la première image. Cela va chercher l’enfant qui sommeille en chacun de nous…
Se souvient-elle encore de qui elle est derrière son masque de céruse ourlé de rouge ?
Ne vous contentez pas, madame, d’être belle.
Notre cœur vieillit mal s’il ne se renouvelle.
Il faut songer, penser, lire, avoir de l’esprit.
Être, pendant dix ans, une rose qui rit,
Cela passe… — La vie est une triste chose,
Un travail de ruine et de métamorphose
Qui fait d’une beauté sortir une laideur.
Fixez votre œil charmant, parfois un peu boudeur,
Sur les deux termes sûrs d’une vie achevée,
Sur le point de départ et le point d’arrivée,
Chemin que parcourront, hélas ! vos pas tremblants,
— Dents blanches, cheveux noirs ; — dents noires, cheveux blancs !
Moi, j’estime la femme, humble et sage personne,
Qui ne s’éblouit pas, belle, veut être bonne,
Songe à la saison dure ainsi que les fourmis,
Et qui fait pour l’hiver provision d’amis.
Vieillir, c’est remplacer par la clarté la flamme ;
Le cœur doit lentement rentrer derrière l’âme.
Victor Hugo
Bravo pour ce que ces photos vous ont inspiré. Ça phosphore à Villenave !
Petite fille dans les prés au visage devenu figé par l’ovale d’un masque. Cette triste fixité épouse-t-elle le malheur de tout un continent ? Si loin de l’insouciance d’une enfant rêvant dans l’herbe ?
Quelle belle idée vous avez eue Martine et Maryline de relier ces photos par une même personne ! Itinéraire de l’ingénuité à la conscience des drames humains.
Merci d’avoir lu et commenté.
Oui ça phosphore à Villenave avec ces photos qui se révèlent tellement “sensibles” comme l’a justement dit une des participantes.
Pour la petite histoire, derrière le masque il y a le modèle Kiki de Montparnasse dont Hemingway écrivit qu’elle ne fut jamais une lady mais une reine. Elle fut modèle pour Modigliani, Fujita, entre autres et bien sûr Man Ray. Elle fréquenta les surréalistes, fut chanteuse, artiste peintre.