Elle l’aimait. Mais il était si inaccessible et si lointain! Elle l’aimait sans aucun doute, que n’aurait-elle donné pour s’introduire dans son atelier, discrètement, sans rien laisser soupçonner de sa présence, pour le voir, pour l’observer ? Elle rêvait : Son regard partait de ses cheveux à contrejour, lumineuse auréole autour d’un visage dont elle […]
Son nom est Thomas mais tout le monde l’appelle Tom.Au bout de la rue déserte il se tient face au mur. Le ciel est aussi gris qu’à l’accoutumée mais il ne pleut pas et une légère brise a séché les toits et le macadam de l’humidité pénétrante du matin. Dans ce coron où il a […]
J’ai retrouvé ce petit exercice d’un atelier d’écriture d’il y a plusieurs années : « Ecrire l’éloge funèbre et grinçant d’un objet dont on feint de regretter la disparition ».
« Il ya quelque chose en toi de cassé » me lance mon éphémère compagne en claquant la porte derrière elle, définitivement. Dans le pesant silence qui suit je me demande si elle n’a pas raison car ce départ intempestif ne m’affecte guère, pas plus que les autres. Et si j’étais devenu incapable d’aimer ? Oui, il y a sans aucun doute quelque chose à réparer.
Mes deux mains posées sur le volant je fixe la route qui s’enfonce entre les platanes, inamovibles gardiens de mon itinéraire. Les taches de lumières qu’ils distribuent glissent sur le pare-brise, m’éblouissent parfois en une alternance usante d’ombre et de soleil, leurs troncs sont resserrés, tentants. Un petit mouvement sur le volant et tout pourrait s’arrêter là, quelle importance ? Allez il est encore tôt, j’arriverai en début d’après-midi et je redoute cet instant. Mais pourquoi l’ai-je quittée ?
Des images du bonheur passé s’imposent, intenses, aujourd’hui douloureuses. Je sens sa main dans mes cheveux, je revois dans ses beaux yeux toute la tendresse et l’amour absents à ces dernières années. Nous étions seuls au monde. Trop seuls sans doute et je suis parti sur un coup de tête, sans mesurer combien j’avais besoin d’elle ! Je sais que les torts ne pèsent pas tous de mon côté, il a fallu que je respire. Mais depuis qu’ai-je fait de ma vie ? Je repense à ces femmes que je n’ai su aimer, que je n’ai su retenir, parties comme on délaisse un jouet défectueux. Quelques heures encore, aurais-je le courage d’aller jusqu’au bout ? Je me suis écarté du chemin, il le fallait, j’ai fait des bêtises, des grosses, et dans cette voiture qui me mène vers elle tout est trouble et tout se mélange. Mais la décision est prise et je roule, tel un automate, vers l’espoir d’un destin nouveau.
Une halte dans un restaurant que j’ai connu avant, rien n’a vraiment changé, un de ces établissements de bord de route, au parking étendu, à la salle immense. J’observe autour de moi, il y a des couples heureux ou qui font semblant de l’être, des licites et des illicites que l’on repère au premier coup d’œil, il y a des gens au travail, des gens en vacances, des familles, beaucoup de monde, c’est l’été, la grande ruée vers le sud. Je m’enfonce dans ma solitude et n’ai envie de parler à personne. Pourtant à l’entrée du restaurant je remarque un enfant triste, au bord des larmes, il a perdu sa mère, je le prends par la main et nous la retrouvons dans des éclats de joie. Une petite BA qui me rend heureux, pendant un court moment je retrouve l’être serein et apaisé que je ne suis plus. Une jeune femme, témoin de la scène, m’adresse un grand sourire, elle est très belle et je la désire un court instant mais nous nous croisons sans un mot, une pointe de regret m’assaille, fugacement. Ce n’est pas le jour, d’ailleurs ce n’est qu’un réflexe dérisoire du séducteur que je ne souhaite plus être.
Ça y est j’approche, plus que quelques kilomètres, j’aimerais être serein, détendu, mais je ne le suis pas. La radio que j’écoutais jusque-là d’une oreille distraite diffuse une chanson connue mais toujours émouvante, je pourrais en garder quelques mots, qui se placent sur ma pensée, comme les doigts se placent à l’endroit exact sur les touches nacrées d’un bandonéon. La voiture est maintenant à l’arrêt devant le portail, moteur éteint, je sors lentement et referme la portière sans un bruit, comme si je refusais ma présence à ce cadre pourtant familier. Mon pouls martèle mes tempes.
Dring ! Le bouton de la sonnerie vient de s’enfoncer sous mon index indécis et tremblant. On n’entend plus rien, si ce n’est le chant lancinant des cigales, assourdissant, qui colonise sans partage l’air brûlant de ce début d’après-midi. Me répondra-t-elle ? Probablement non. Et j’en viens à le souhaiter, en dépit ou à cause des hésitations et des réticences qu’il a fallu vaincre pour parvenir jusqu’ici, « Elle fut longue la route » disait la chanson. Si la porte s’ouvre ma vie basculera. Si elle reste fermée je continuerai avec mes doutes, mes petits rêves, mes prétextes, mes accommodements, mes oublis, mes zones d’ombre, mes mensonges, finalement tout ce qui apaise les blessures, qui aide à supporter l’existence en en limant ses aspérités tranchantes, au prix de sa fausseté. Il fait très chaud et c’est une folie d’être ici ! Rien, il ne se passe rien, les cigales n’en démordront pas jusqu’au coucher du soleil, où serai-je ? Peut-être devrais-je sonner à nouveau ? Peut-être n’a-t-elle pas entendu ? Ne serait-il pas plus raisonnable de tourner les talons ? Ne pas céder à la lâcheté, aller jusqu’au bout de cette décision si longuement mûrie. Courage, je vois mon doigt se diriger à nouveau vers le bouton de la sonnerie, est-ce vraiment moi l’auteur de ce geste ? Les cigales persistent dans leur bruyante indifférence à mes tergiversations. Je suis dans une sorte de néant, comme extrait de ma vie, les secondes sont interminables. Non, elle n’ouvrira pas, je fais demi-tour et repars vers ma voiture, tant pis ou plus tôt tant mieux, la page est définitivement tournée. Mais un puissant étau m’étreint la poitrine : « Attends ! ». J’arrête mon pas, cette voix dans mon dos c’est la sienne, cette voix unique fidèlement conservée dans mon oreille, cette voix si chère, cette voix d’amour. Je me retourne, un seul mot s’échappe de ma bouche, ce mot si beau et si longtemps tu : « Maman ! »
Chères ratures, chers gribouillis, Je l’avoue, je fus tenté de vous mépriser, je vous trouvais trop nombreux, importuns, je préférais que vous n’existiez* pas. Vous me donniez mauvaise conscience. Vous étiez pourtant mes complices dans l’assassinat des mots que vous laissiez parfois survivre, blessés mais encore vivants sous un trait trop fin pour couvrir leur […]
De notre envoyé spécial au sein d’un nuage d’étourneaux. Jour J : Le nuage Savez vous qu’un nuage d’oiseaux porte aussi le joli nom de murmuration ? Un mot qui nous viendrait des ducks, nos frères d’outre manche, et de plus loin encore de nos ancêtres latins les anatis. Nous nous rapprochions donc de cet […]
De notre envoyé spécial au sein d’un nuage d’étourneaux. J-1 : L’essor Nono m’attendait donc en cet après midi d’automne. Comme convenu nous nous sommes retrouvés sur la rive de l’étang à l’endroit où il avait l’habitude de venir s’ébattre. « Tu le comprendras, je ne peux m’attarder trop longtemps loin de mes congénères, nous autres […]
De notre envoyé spécial au sein d’un nuage d’étourneaux. Autant vous le dire tout de suite, ce ne fut pas un reportage de tout repos. J-2 : La prise de contact. Quand on est un canard, même de petite taille, il n’est pas facile de se faire passer pour un étourneau. J’ai donc très vite […]
C’est un gardien qui a donné l’alerte. Faisant sa ronde habituelle dans la salle la plus fréquentée du musée et en jetant sur le célèbre tableau un regard routinier mais néanmoins professionnel, Gérard, nous avons changé son prénom à sa demande, sentit tout à coup ses jambes se dérober : On avait volé le sourire […]
Il fut le premier à marquer ses empreintes dans la neige de la nuit. Un léger vent avait chassé les nuages et la campagne étalait une blancheur absolue. Au loin une longue rangée d’arbres givrés signalait la rive de l’Elbe. Hans, d’une humeur légère, s’était levé de bonne heure pour l’achat de son journal du […]
Comme une tache rouge au sentier de ma vie Je t’ai vu ce matin Premier annonciateur solitaire et discret De champs ensanglantés Balançant sur ta tige tu offrais au Mistral Tes pétales tremblants Et prêtais aux oiseaux ce chant mélancolique Admire mon éclat Mais ne me cueille pas Je ne sais être beau qu’au bord […]
Il était une fois une petite mouche. Une mouche si petite que personne ne pouvait la distinguer, si bien que se sentant invisible elle se déplaçait librement d’un patineur à l’autre sans se faire remarquer. A vrai dire elle s’amusait beaucoup, beaucoup, dans la patinoire. La température lui convenait parfaitement et la nourriture, restes de […]
Pour tout le monde c’était l’Antoine. Il n’était plus très jeune et certains villageois, déjà parents d’une longue progéniture, se souvenaient du facteur de leur jeunesse, intrépide et alerte sur son vélo, ne renonçant jamais à de spectaculaires acrobaties pour épater la galerie. Chaque jour on attendait l’Antoine, comme on attendait les nouvelles, mais aussi […]
Puisqu’on en est à » La cigale et la fourmi » voici une petite escapade écrite à partir d’un atelier d’écriture, il y a quelques années. ….. Nuit et jour à tout venant Je chantais ne vous déplaise. Il me déplaît dit la fourmi. Est-ce donc ce crincrin mille fois répété Que vous appelez chant ? […]
Il cherchait au plus profond de ses souvenirs. Il cherchait le premier d’entre eux comme l’on remonterait aux origines de la mémoire. Il se voyait au début de sa vie, ses parents encore très jeunes, mais la jeunesse de ses parents, alors qu’il était lui-même grand-père, était une image récente, il se souvenait d’eux et […]
Allo ! Bonjour c’est l’Odalisque, la grande, comment vas-tu ? Bien, je te remercie et je suis contente de t’entendre. Alors c’est bientôt fini ils vont revenir ? Oui, c’est fini, il ne nous reste que quelques jours. Dis-moi, on le réalise ce projet fou ? Faisons le ! Va savoir quand une telle occasion […]