Bienvenue à toutes et à tous !
Merci d’être venus jusqu’ici pour participer à cet atelier en ligne, le premier sur notre site !
Nous pouvons donc commencer…
Vous allez écrire un texte.
Pour cela, vous trouverez ci-dessous une liste de vingt mots ou locutions qui devront être inclus dans votre texte.
Les mots devront être utilisés une seule fois et obligatoirement dans l’ordre de la liste.
Vous devrez respecter la forme proposée : masculin ou féminin, singulier ou pluriel, majuscule ou minuscule.
Voici la liste :
Alex – tambour – prune – casquette – voies – pigeon – feuille –
printemps – carrosse – fouet – certainement – Diable –
bouches – compte tenu de – marbre – Orange –
kangourou – église – poésie – azur.
À vous de jouer maintenant !
Vous pourrez ensuite communiquer votre texte en le tapant ou en le collant
dans la boîte de commentaire ci-dessous (Laisser un commentaire).
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Quand vous aurez envoyé votre texte,
vous recevrez un mail chaque fois qu’un nouveau participant ajoutera le sien. Pratique, non ?
Merci de nous faire part de vos remarques, elles seront précieuses pour affiner la formule et vous proposer une éventuelle suite.
Ce matin-là n’était pas un matin comme les autres. Alex s’était préparé depuis des semaines pour cette fête du 14 juillet.
Le soleil se levait sur la petite commune de Juzac sur Leste et le jeune homme se sentait tendu comme la peau d’un tambour. Aujourd’hui, c’était lui qui devait mener la fête, c’était à lui qu’on avait confié la charge de diriger la fanfare locale : L’Ardente de Juzac !
Il se sentait prêt, après toutes ces répétitions, mais tout de même tendu. En fait, c’était là le bon trac, le trac de celui qui connait bien sa partition et son rôle. Le trac nécessaire pour bien veiller à tout et pour que tout soit parfait. Le trac de celui qui a du talent, comme le disait Louis Jouvet.
Tout en ruminant les détails de son petit défilé en fanfare, il s’habilla de blanc de pied en cap en terminant par une belle cravate couleur prune et enfin par l’indispensable casquette rouge et noire aux armes de Jonzac sur Leste. Il finit ce rite de l’habillement en s’aspergeant d’une bonne dose d’eau de Cologne à la lavande et il se sentit aussitôt beaucoup mieux. Les voies de l’apaisement sont parfois impénétrables…
Il sortit de chez lui et commença à se diriger vers la place du village. Malheur ! à peine sorti, et alors qu’il passait sous le grand ormeau, un pigeon chia sur son couvre-chef. Il ne pouvait pas défiler médaillé de la sorte ! Le jeune homme était plutôt petit et cela le contraria de devoir laisser ainsi cet attribut qui le grandissait et en faisait le chef incontesté de l’Ardente de Juzac. Mais bon, ce n’était finalement pas si grave et il pensa que cela pourrait même lui porter chance ! Vous voyez que c’était un garçon plutôt optimiste ! Il revint donc quelques minutes chez lui pour se recoiffer : un peu de gomina et un bon coup de peigne en arrière dans ses cheveux bruns.
Là, dans la salle de bain, posée sur l’étagère à côté du verre à dent, se trouvait un papier qu’il n’avait pas remarqué dix minutes plus tôt. Toujours très ordonné malgré son âge plutôt jeune, il ne laissait jamais rien traîner, d’ailleurs lui-même n’écrivait jamais rien à personne et pourquoi aurait-il amené une facture ou un quelconque document jusque dans la salle de bains ? Il prit la feuille avec étonnement. Et il lut… car quelque chose était écrit, et cela s’adressait à lui :
“Le printemps est achevé depuis cent-cinquante-sept jours maintenant. Au 14 juillet, l’été a fait de toi un véritable artiste. Le meilleur te reste promis car tu obtiendras le carrosse et le fouet magique. Quand Noël viendra enfin, tu seras le nouveau maître.”
– Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ! s’écria-t-il bien qu’il soit seul et que personne ne puisse l’entendre. Certainement une plaisanterie, mais de qui ? Personne ne pouvait entrer dans la maison…
Il jeta un coup d’œil par la fenêtre. Personne. Personne dans la campagne qu’il pouvait voir alentour. Une chose cependant, qui n’avait pas d’abord attiré son attention, le plongea dans la plus grande stupeur : l’ormeau avait perdu toutes ses feuilles !
Diable ! se dit-il, et il reprit le papier où était inscrit ce message qui n’avait aucun sens. Oui, il était bien écrit que le printemps était fini depuis cent-cinquante-sept jours… Un calcul un peu laborieux lui fit déduire qu’on devait se trouver pas loin de Noël…
Noël ! Mais c’est impossible, pensa-t-il, en chemisette et tout habillé de blanc qu’il était pour partir mener sa fanfare, l’Ardente de Juzac sur Leste ! Et pourtant, l’ormeau avait perdu toutes ses feuilles… Les bouches d’aération de la maison soufflaient et une douce chaleur avait remplacé la fraîche climatisation du quatorze juillet… Mais qu’est-ce que cela voulait dire ? Était-il devenu fou ? Ou victime d’une distorsion de l’espace-temps ?
Perché sur une haute branche de l’ormeau, l’oiseau coupable le regardait, comme s’il se moquait maintenant de lui.
Compte-tenu des circonstances, on comprendra que le jeune-homme prît peur et sortît en hurlant pour faire fuir le volatile. C’était bien l’oiseau qui l’avait obligé à revenir dans la maison, jusque dans la salle se bain ou l’attendait cet étrange papier. Malgré ses moulinets, ses cris et ses agitements, l’oiseau sur sa branche restait de marbre. Maintenant aussi immobile qu’une colombe de Magritte.
Soudain, le téléphone sonna. Il espérait que cela le ramènerait à des réalités beaucoup plus prosaïques car il sentait qu’il devenait vraiment fou. Il fut soulagé d’entendre son ami Carlo.
– Mais alors, chef, qu’est-ce que tu fais !? Tu sais qu’on t’attend, ici !
– On m’attend, mais pourquoi, Carlo ?
– Oh là là ! Mais t’es vraiment pas réveillé, toi ! Qu’est ce qui t’arrive ? On t’attend pour la fanfare de Noël, là, sur la place ! Avec les Australiens !
– Mais c’est pas Noël, aujourd’hui !
– Non, mon gars, Noël, c’est demain ! Et la fête au village, avec toi en Père Noël en train de diriger la fanfare, c’est maintenant ! Allez, je viens te chercher avec ma nouvelle voiture, je sens que tu va aimer sa couleur, ça va finir de te réveiller ! Habille-toi bien en attendant, il ne fait pas chaud !
– Sa couleur, Carlo ? Mais quelle couleur ?
– Orange ! Elle pète le feu, pas comme toi ! Allez, allez, mon vieux ! et en plus tu auras une surprise ! Allez, je raccroche !
Notre homme reposa le téléphone. Il regarda de nouveau l’ormeau, l’oiseau s’était envolé. Il ne parvint jamais à retrouver ce papier, même lorsqu’il fouilla plus tard la maison de fond en comble. Mais l’urgence n’était pas là pour l’instant. Il avait repris ses esprits et enfilé ses habits d’apparat pour cette occasion dont il se rappelait parfaitement maintenant : au milieu de cette place du village entourée de vieux platanes, il devait mener le traineau du Père Noël, armé de sa baguette de chef d’orchestre.
La ville de Juzac sur Leste était depuis quelques années jumelée avec la ville australienne de Bridgepond et un échange avait lieu entre l’Ardente de Juzac et son homologue australienne la Wallab-band de Bridgepond. Les Bridgepondiens étaient venus passer les fêtes à Juzac avec leurs instruments, et tout le monde attendait notre ami avec impatience en battant la semelle sur la place. Conformément à la coutume australienne, ils avaient tous, y compris les Français, revêtu un habit de kangourou, car là-bas ce sont ces animaux et non les rennes qui tirent le Père Noël sur son traineau pour cette fête qui a lieu en plein été !
Vous imaginez le tableau. Notre ami, brutalement sorti de son 14 juillet et juché sur le traineau à la tête d’une bande de marsupiaux jouant “Adeste fideles” de tout leur souffle, devant cette église stupéfaite même si elle en avait vu bien d’autres, alors que la neige commençait à tomber tout doucement. Sur le côté, énigmatique, juchée sur une vieille gargouille, une colombe de pierre jouissait sobrement du spectacle.
Un tableau d’une poésie tellement surréaliste que l’azur en resta suspendu toute la journée et jusqu’à l’arrivée du divin enfant, annoncée par les hautbois et les musettes.
Christian – 26/03/2020 – Aux temps du confinement
Texte de Lucette
En ce matin hors saison, le petit Nain aux yeux de khôl, rieur et facétieux, Alex pour faire plus court, en costume vert, un tambour cramoisi dessiné sur le dos à l’encre prune, grelot tintinnabulant à la pointe de sa casquette, une plume de pigeon et un brin de muguet sans feuille piqués à califourchon sur son oreille droite, parcourut à toute vitesse l’allée d’ifs du parc Isola rejoindre son amie l’artiste aux doigts de fée. C’était jour fête annuelle du Village, à ne pas manquer, s’il vous plait. D’autant plus qu’il tenait toujours le stand Pyramides Boites de Conserve à désarticuler en moins de dix coups au moyen d’un galet entortillé dans une chaussette, même trouée au pouce, sans importance, par les enfants du coin. Un cadeau pour celui qui gagnera ! Surprise.
Donc, de ce fait, en ce printemps en caleçon à fleurs, bonne saison, il avait gentiment échangé par voies détournées une crème à la noix de coco, à la confiture de rhubarbe, fleurs de noisettes fabriquée par lui-même, s’il vous plait, contre le carrosse, le fouet, et l’âne du Père Lagrue.
— Je te les prête durant 48 heures, pas 1 minute de plus.
— Il a avalé certainement une montre à sa naissance, dit son amie coéquipière des boites de conserve, experte en origami de bateaux en papier mâché et qui sculpte des amulettes dans des noyaux d’abricots.
— Diable! Tu crois qu’il va recréer le temps à rebrousse-poil ? Allez, ne tardons pas, les gosses nous attendent bouches en cul de poule rien que pour les sons de nos boites d’aluminium.
— Tu parles. Compte tenu de ma corbeille de cannelés ils se précipitent tous avec leur euro au bout de leurs doigts de marbre rose!
— Ta-tie, Ta-tie Orange! La voi-là, la voi-là, la-voi-là! scandent en chœur les gamins.
— On commence, dit le Nain aux yeux de khôl, général de troupe. En file indienne. Les petits devant. Les grands derrière. Pas de bousculade. À un mètre de distance, sinon j’annule le cadeau qui se trouve dans ma sacoche! S’il vous plait.
— Waoufff!
Plus tard ils chantent tous en chœur:
— C’est-Ma-ri-on-qui-a-ga-gné-le-kangourou-de-soie.
En jupette lapis-lazuli, elle renforce une czardas aux sept notes du carillon de l’église tandis que Francine la clarinettiste slame une mosaïque de sa poésie sous le couchant d’azur.
Alex qui se prénommait en réalité Lucien, allez savoir pourquoi ce nouveau prénom, avait décidé de s’engager dans la Légion étrangère. Quelle lubie ! Lui, si gringalet, avait eu cette idée en voyant défiler au 14 juillet l’escadron du corps d’élite précédé de son tambour. Il rêvait au destin fabuleux qui l’attendait en trempant dans son café, sa tartine garnie de confiture de prune.
En attendant d’endosser un képi blanc, il enfila sa casquette, sortit et se dirigea vers les voies sur berges fermées à la circulation en raison de la montée de la Seine. Il marchait seul, un pigeon se posa à côté de lui, une feuille verte détachée d’un platane lui rappela que le printemps était arrivé. Un rat passa rapidement devant lui. Il savait que ces animaux faisaient du souci à la maire de Paris qu’y jouait sa réélection à cause de ces rongeurs. Dans la capitale nous ne sommes pas dans un conte de fées : pas de citrouille qui se transforme en carrosse ni de rats en chevaux, que le cocher fait avancer à coup de fouet . Il soupira ! Certainement avec les inondations les rats vont sortir de leur trou et se répandre dans la capitale. Diable ! Les services sanitaires auront du mal à réagir avec tous les déchets accumulés dans les rues. De quoi nourrir les milliers de bouches de ses rongeurs…
Mais qu’en avait- il à faire, compte tenu que dans un mois il serait au Mali dans sa tenue de légionnaire ? La figure imperturbable et de marbre comme il sied à ces soldats d’élite.
Orange ! Le feu tricolore venait de passer à l’orange alors qu’il était engagé dans un passage piéton. Une voiture abrégea une carrière pourtant prometteuse…
C’est Alex qui partira le premier.
Il faudra battre le tambour pour l’annonce aux amis, aux voisins, aux proches… Une panoplie d’actes désormais dérisoires…
En aurai-je la force?
Une prune est tombée de l’arbre comme si rien n’était, splendide dans sa robe pourpre, annonçant la fin de l’été.
La belle saison s’estompe, décalée face à la douleur.
je l’ai mise machinalement dans ma casquette, témoin muet du fragile instant.
-“Les voies de Dieu sont impénétrables”, répète inlassablement le prêtre. Mais la question inutile brûle pourtant mes lèvres : Pourquoi? Pourquoi…
Un pigeon esseulé cherche sa pigeonne et mange machinalement le pain laissé au sol, comme si rien n’avait changé, malgré tout…
Les feuilles bruissent et tombent peu à peu. Du printemps à l’automne, le tourbillon vertigineux de l’été s’en est allé. Je n’en ai rien vu.
Le temps emmène nos souvenirs dans un carrosse trop somptueux : Le fouet claque sur les chevaux des amours passées, me brisant le coeur à chaque claquement- certainement pour jeter un sort final à la course effrénée…
-“Diable, Satan, aurais-tu pitié de moi?
Quel élixir céderais-tu pour calmer la plaie béante?
Dis-moi quel est ton prix, les bouches de l’enfer ne seront rien en comparaison de mon mal…”
Compte tenu de l’implacable bienséance et du sens collectif dû à la postérité, le corps reposera en terre et la plaque de marbre gravera cette absence au monde.
Les réseaux virtuels, via Orange, permettront l’annonce par mail, tels d’immenses sauts de kangourou, de l’un à l’autre.
L’église en fera des gorges chaudes pour un moment de poésie finale: souvenirs et épitaphes…
Seul l’azur demeure dans son bleu royal où s’inscrit la peine à l’infini.
Alex ouvrit le tambour de la machine à laver et en sortit une robe prune et une casquette blanche. Hélas ! La casquette si chic qu’elle avait achetée il y a bien longtemps à Roland-Garros avait maintenant bien piètre allure avec ses traînées violettes ! Dépitée, elle la jeta dans son panier à linge et sortit.
La ligne d’étendage courait le long des voies ferrées désaffectées qui reliaient autrefois son petit village au reste du monde. Aujourd’hui, les herbes folles y proliféraient et elles n’étaient plus guère parcourues que par les oiseaux à la recherche de quelque vermisseau : pigeon ramier, merle noir, alouette des champs, loriot, pie-grièche… À force de les observer, elle connaissait toutes les espèces.
La journée était ensoleillée et très douce. Alex posa son panier et s’abîma dans la contemplation des arbres et des fleurs de son jardin. Sur le rosier, une petite feuille d’un vert éclatant annonçait l’arrivée du printemps.
Elle repensa à son ancienne vie : sorties mondaines, théâtre, expositions, week-ends à Deauville avec le coupé cabriolet. Aujourd’hui, elle n’avait pour tout carrosse qu’une vieille deux-chevaux qui démarrait quand elle voulait. « Pas le genre de chevaux qu’on pourrait faire avancer à coups de fouet », pensa-t-elle avec amertume.
C’était certainement le Diable qui avait déclenché cette épidémie et entraîné vers les campagnes des émigrations massives de bouches à nourrir.
Compte-tenu de ces événements, Alex se fit la réflexion qu’elle s’était plutôt bien sortie de cette convulsion de l’Histoire. Elle s’assit sur le petit banc en marbre, près de la fontaine. C’était son endroit préféré, le joyau de son jardin, à la fois source de réconfort et de fierté.
Elle respira profondément, calmement, s’autorisant à se remémorer les souvenirs heureux, à les considérer comme de précieux trésors et non pas comme des expériences à jamais envolées et qu’elle ne renouvellerait pas.
Elle revit Orange et ses merveilleux concerts en plein air, le voyage en Australie où les enfants avaient pu jouer avec les koalas, admirer les ornithorynques et même toucher un kangourou bondissant qui leur avait volé un sachet de popcorn. Puis, elle repensa avec gratitude à tous ceux qui avaient embelli sa vie.
La cloche de l’église sonna les douze coups de midi, douze sons clairs, réguliers, en harmonie avec le chant du vent et des oiseaux. Cela lui rappela les assiettes à la poésie naïve qu’elle tenait de son arrière-arrière-grand-mère. Leurs décors de comptines ou d’Angélus de Millet avaient enchanté des générations d’enfants de la famille.
Alex se leva. Elle jeta un dernier coup d’œil à la voûte d’azur qui couronnait son jardin, planta crânement la casquette balafrée de violet sur la tête de l’épouvantail qui surveillait ses semailles et elle rentra dans la maison. Il était temps de faire un gâteau pour garnir les assiettes et régaler encore une fois les petits qui allaient arriver pour le goûter.
Le Rosier et la Rosière
Fier des vestiges d’un passé médiéval notre chef-lieu de canton revendique le nom de Ville. Au centre d’un vignoble réputé il s’enorgueillit de sa batterie-fanfare. Centre commercial et culturel actif, il n’est point de fête, cérémonie publique, défilé patriotique, manifestation sportive, artistique et retraite aux flambeaux, sans participation de la musique. Quelques prétendus mélomanes, ou nostalgiques d’un passé militaire, l’affublent avec un air dédaigneux de “clique“.
Le chef, directeur pointilleux de la musique, vu son engagement généreux et bénévole, blessé dans son amour propre par un emploi péjoratif, exige de ses instrumentistes, outre une exécution parfaite, une tenue exemplaire. Alex, que les anciens appellent affectueusement “I.T.” en référence à l’excitation qu’il déploie pour animer la troupe, tient la baguette d’une main ferme. Les plus jeunes s’y risquent à son insu tant il inspire admiration et respect.
Tambour-major en tête, blazer prune, pantalon blanc, casquette plate à galon doré, l’orphéon claironne le long des rues tortueuses de la bourgade.
— Il faut que tu voies la nouvelle cravate de leur tenue, un camaïeu gorge de pigeon éclaire avec bonheur le ton un peu sévère de la veste, me recommande mon accompagnatrice, journaliste à la feuille de chou locale.
Nous attendons le passage de la Rosière et du Rosier, deux jouvenceaux de vingt printemps honorés pour leurs mérites par une tradition ancestrale. La foule accourue des villages environnants s’écarte pour laisser passage au carrosse princier du jour, calèche rutilant d’une rénovation récente. Le cocher juché sur le siège, fait claquer son fouet avec adresse loin des flancs des chevaux débonnaires qui poursuivent leur pas tranquille. Ils ont certainement l’habitude de ces lentes processions bruyantes. Sous les applaudissements et les vivats les héros récompensés, large sourire aux lèvres, saluent aux portières.
— Diable ! Qu’ils sont beaux ! entend-on s’échapper de bouches édentées, admiratives de la jeunesse.
La localité, compte tenu de sa situation géographique, n’offre pas le décor de marbre antique du Théâtre d’Orange, les grès rougeoyants soulignent la chaleur de l’enthousiasme populaire qui accompagne le couple.
Au terme de la déambulation la Rosière plonge la main dans la poche kangourou de son devanteau. Elle en tire une clé d’or. Le bedeau s’en saisit. Les portes de l’église ouvertes, les grandes orgues éclatent en riches sonorités. À la suite de l’entrainant pas de marche de l’harmonie, elles soulignent la poésie du moment. Le coq gaulois à la pointe du clocher chante les louanges sur fond d’azur.
Alex interrompit les roulements de son petit tambour pour ne pas effrayer le volatile. Il avançait devant lui dans une coordination parfaite des mouvements de son cou et de ses pattes. Il était de couleur prune, avec des reflets gris et verts sur la gorge et sur ses ailes repliées. D’un air déterminé et la casquette bien vissée sur le crâne, le petit garçon posa son instrument et ses baguettes et s’interrogea sur les voies qu’il pourrait emprunter pour convaincre le pigeon de faire un duo avec lui.
D’abord le rassurer, se montrer amical. Mon oiseau, mon ami vient donc picorer la feuille de menthe que je te tends, et si tu veux nous ferons de la musique ensemble. Alors d’un coup d’aile le biset (c’en était un) vint se poser sur la peau tendue du joujou, qu’il se mit à cogner de son bec en cadence.
Le gamin émerveillé s’approcha doucement et commença à tapoter de ses doigts, tout près de ce bec qui rendait déjà jaloux tous les piverts de la terre. Après un rapide ajustement les deux percussionnistes offrirent le duo le plus inattendu et le plus extraordinaire qui ne fut jamais ouï de mémoire de printemps. Dans les arbres tous les autres oiseaux, les écureuils et même le feuillage se dandinaient en cadence. Le roi, passant dans son carrosse, ordonna l’arrêt à son cocher et celui-ci ajouta un petit complément mélodique de quelques sifflements de fouet bien en rythme. C’est certainement ce qui encouragea les cantonniers, en changeant quelques lettres au nom de leur métier, à se faire les chansonniers les plus joyeusement inspirés de ce mois de mai.
Diable cornu et par les bouches de l’enfer ! S’écria Bacchus le menton dégoulinant de vin. Que tout ceci est beau ! Etant donné mes pouvoirs et mon rang et compte tenu de la responsabilité qui m’incombe, je décide d’animer toutes les statues de marbre de ce jardin ! Qu’elles se joignent à la fête ! Puis dans un excès de pudeur et d’un pas titubant il se lança dans une distribution de cache-sexes en feuilles de vigne.
De nombreux enfants s’étaient massés autour de nos deux amis qui interprétaient maintenant un rock and roll endiablé. Guillaume d’Orange, dont on se demandait bien ce qu’il faisait là, exécutait des passes acrobatiques avec une dame kangourou, dont le bébé bien secoué dans sa poche commençait à avoir le tournis.
Du fond de son église le bedeau était triste, car une telle joie n’avait jamais pénétré sous la voute de son vaste édifice, déserté par ses ouailles.
Tout se remue ménage et cette folie provoqués par la complicité d’un enfant et d’un colombidé, tout était emporté par la grande spirale de la poésie, pourtant personne n’écrivait de poèmes, mais il se respirait ce merveilleux parfum qui relie les coeurs et les esprits et les élève vers l’azur.
Marelle de Printemps
Bien-sûr qu’il n’était pas sûr de lui, Alex, dans son pantalon trop large et ses baskets dernier cri ! Son cœur tremblait au rythme d’un tambour, sa chemise couleur prune semblait vibrer à chacun de ses pas. Mais il décida d’adopter une allure décisive et, c’est droit et fier dans sa caquette qu’il entra dans les voies de l’espoir.
Il emprunta l’impasse désignée que le Commandeur lui avait ordonnée.
Un pigeon qui roucoulait par là, en quête d’amour ou de vers de terre, s’arrêta tout net de grappiller la feuille au sol, à ses pattes.
Et pourtant, nous n’étions pas en automne mais bien au printemps. Saison où les arbres déploient leur magie et leurs bourgeons pour donner naissance aux feuilles.
Et pourtant, cette feuille était bien là ! Que faisait-elle, seule, dans cette impasse ?
Alex se le demanda.
Approchant du fameux numéro 666, il découvrit, non pas une maison, ni une bâtisse mais une demeure. Un lourd, long, grand portail noir dévoilait, solennellement, en son fer forgé un parc majestueux et effrayant à la fois.
On pouvait s’attendre à tout moment à voir surgir un carrosse noir brodé d’or, dont le cocher, en cape noir et chapeau haut de forme, fouet dans la main droite, vociférerait sur ses quatre chevaux dont les robes seraient certainement couleur de nuit sans lune.
Que Diable ! Il fallait à Alex bâillonner les bouches de l’angoisse s’il voulait arriver à ses fins.
Il sonna.
Compte tenu de sa peur au ventre qui bataillait avec « Mais non ! Tout va bien ! », il ressemblait plutôt à une statue de marbre dont le visage virait à l’orange pour bientôt atteindre le blanc déstructuré.
Le portail grinça dans un bruit d’enfer qui le fit sursauter, tel un kangourou qui vient de boire sa bière.
Il suivit l’allée.
Elle était bordée de chaque côté d’arbres immenses qui s’unissaient en son centre. Ce toit végétal en cathédrale le fit entrer tel un païen dans une église ne sachant ce qu’il faisait ici.
Son cœur rythmait toujours la cadence sans lui.
Tout ça pour un peu de poésie !
Le vieil homme ainsi l’attendait
depuis de nombreuses années
Enfin, devait lui révéler
l’ultime secret des sonnets.
Pour sûr, un peu d’air pur et un bout d’azur auraient suffit,
c’est sûr… du moins c’était son avis à lui.
Ophenix
Au plus court de Gérard
Alex bat tambour chez les majorettes
La couleur prune de sa casquette
Il faut que tu la voies gorge de pigeon
Déjà dur de la feuille les nuances tu confonds
Tes printemps empilés te mènent en carrosse
De plein fouet certainement vers la sénilité précoce
Diable de toutes les bouches infernales
Compte tenu de ta ténacité cérébrale
Aussi dure que gravée dans le marbre
Tel les Orange tu maintiens qu’un kangourou
Agenouillé dans une église ou dans un arbre
Est une poésie sans azur ni peu ni prou.
Félicitations et remerciements à vous tous !
Un grand bravo pour votre imagination au temps du Masque et de la Plume !
Ce fut un régal de lire toutes vos productions !
Rendez-vous mercredi prochain, même heure, même écran, pour une suite à ce petit plaisir d’écrire ensemble.
En attendant, vous pouvez rester au chaud et parcourir le site d’Oasis, y publier des textes (Poèmes, Nouvelles, Essais, Autres textes,…) et aussi commenter les textes déjà publiés. Merci pour leurs auteurs qui n’attendent que vous.
Bonne visite à tous et à mercredi soir !
Christian alias Hermano
Alex
En cette fin de journée Alex, boyard de Transylvanie, songea qu’était venu le temps d’honorer l’invitation du comte Dracula. Conviant son valet il mentionna la soirée future et ordonna qu’on lui taillât, tambour battant, l’épaisseur d’une imposante barbe. Le valet dans sa livrée prune s’exécuta. Le notable laissa sa fougueuse monture au demeurant fourbue de la matinée.Le cocher à la casquette emplumée harnacha les chevaux. Sur les voies environnantes, le dernier pigeon de la ville les accompagna.L’attelage glissait entre la feuille et le bourgeon, le printemps pointait le bout de son nez. Sur les chemins chaotiques et tortueux, le carrosse allait bon train en une harassante chevauchée tandis que le fouet claquait. On entama la pénétration d’une forêt profonde de conifères sombres, certainement le domaine du Diable et l’étendue de son territoire. D’énormes fossés, de gigantesques parois balisaient les bas-côtés, de faibles trouées filtraient une lune rousse allumant l’ultime clarté céleste. Dans un ciel de vents et de nuages menaçants, de vols de choucas tournoyants, la crènelure du monumental château apparut sur son piton rocheux.Très vite l’entrée de l’allée, un escalier abrupt de pierres sous une lanterne-lustre jaune faiblarde qui grinçait et semblait vouloir s’éteindre sous les assauts d’un vent brutal. Contournant les quelques marches, l’attèlement stoppa dans la nuit noire devant une minuscule porte en bois vieilli, épais, aux gonds énormes, avec de gigantesques bouches, qui s’ouvrit machinalement.Il emprunta un passage qui semblait secret, compte tenu que ce fut la seule issue.Des colonnes de marbre soutenaient le chambranle d’une minuscule entrée dans le fond peu éclairé de la galerie souterraine. Orange était le chapiteau de la dernière.Un courant d’air froid parcourait le seuil. Alex ajusta sa cape et sa toque de zibeline kangourou. Point d’église . Mais ce lieu-clos paisible à la lueur des chandelles, propice à la paix humide de l’habitant. De l’habitante. Lieu confiné où trônait un sarcophage de pierre au couvercle mobile constellé de crânes rubis.Celui du grand amour du comte, empli de poésie sous une voûte peinte azur enchassée de diamants. Alors, Dracula entra…..