Atelier du 27 Novembre à Villenave d’Ornon
Lettre de Marie-Paule.
À toi,
Peux-tu imaginer, dans un calme absolu, baigné de bleu pur, de vert et de blanc, surgir au détour d’un versant, un torrent d’ébullitions ?
C’est le même bouillonnement trépidant que je sens quand tu m’attends.
Ce lieu si reposant où le bleu flirte avec l’azur et le lac, semble suspendu et d’un coup, se met alors à parler, frémir, rugir, vrombir.
Il prend vie et s’anime de désirs.
Tout ici me fait penser à toi et les pierres sourient à me voir ravie.
Je n’ai qu’une envie, rentrer dans ce torrent d’émotions, faire corps avec ce bouillonnement et avec lui, garder et ressentir le rythme de la vie.
Bien à toi,
Bisous partout.
Ta Fleurette
Réponse de Aytekin
Mais tu ne connais pas l’envers du décor. Moi qui connais bien ce lieu, ma petite Fleurette, imagine que le bouillonnement de ce cours d’eau créée un incroyable bourdonnement dans les oreilles. Ce mouvement incessant donne le vertige et fatigue. Ce faux calme comme un gouffre te tire dans ses profondeurs.
Quand je regarde les montagnes couvertes de neige, abruptes et inaccessibles, je sens que le froid glacial avance au galop dans mes veines.
Ma petite Fleurette, ce lac si bleu de loin n’est pas malheureusement si bleu de près. Il est tellement pollué que son eau verdâtre me fait penser à des choses que je n’ose pas nommer car je ne veux pas aller à contre-courant de ton torrent d’émotions.
Je sais que tu ne voudras pas entendre ma voix qui surgit à travers mes mots mais elle est là.
La revoilà, cette voix croquante et familière, cette voix qui coupait les mots en ciseaux pour les cracher menu comme un petit pistolet chargé de graines de framboise.
Bien à toi.
J’aime bien les deux textes. Paradoxalement, la réponse d’Ayketin contient bien des métaphores. Comme quoi ça colle aux basques.
Aytekin, pardon!
Bravo aux auteurs qui manient avec habileté clichés et contre-clichés.
Marie-Paule fait jaillir la vie et la passion à la surface de ce lac si calme en apparence. Le lac “suspendu” évoque irrésistiblement pour moi mes chers lacs savoyards chantés par Lamartine
Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Dans la réponse d’Aytekin à l’énamourée Fleurette on constate avec un petit délice sadique que ces deux-là ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Le gouffre, les montagnes abruptes, le froid glacial, la pollution, les mots coupants, le pistolet sont autant de signaux d’un drame qui se trame sur la tête de la candide Fleurette. Nous voilà sur la piste d’un bon polar lacustre ???
Niaoulix a raison de dire qu’il est difficile de se débarrasser des lieux communs. Ils sont certes synonymes de banalités mais comme tout lieu commun c’est un “endroit où tout le monde se retrouve”.
Voila deux textes ( même celui sensé le dénigrer)qui me donnent envie d’aller voir ce Lac de Gaube dont j’ignorais même le nom ! De toute façon même si c’est la description de Aytekin qui est exacte cela me semblera être un paradis. Les montagnes couvertes de neige, abruptes et inaccessibles, le froid glacial me seront plus agréables que la grisaille, la froidure, l’atrocité des non-transports de Paris. Que m’importe que le Lac de Gaube soit pollué avec une eau verdâtre, j’ai l’habitude de la Seine qui en plus charrie des tonnes de déchets.
Et si c’est Fleurette qui a raison, je programme au plus vite un voyage dans cet Eldorado.
Je constate avec plaisir que Aytekin a su prendre le contrepied de la lettre de Fleurette sans faire appel à quelque assassin terré derrière une rocher, un égorgeur au couteau rougi par le sang de ses victimes.